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consacrant presque exclusivement à l’exécution de tableaux de corporations, donner à ce genre de peinture un essor considérable. Nous voulons parler de Jan van Ravesteyn et de Frans Hals. Fixé de bonne heure à La Haye, où, dès 1598, il devenait membre, et, plus tard, doyen de la gilde de Saint-Luc, Ravesteyn est un des meilleurs portraitistes de cette période primitive, un de ceux qui ont le plus contribué à la complète émancipation de l’Ecole. Les associations militaires, dont il devenait bientôt le peintre attitré, n’avaient pas, à La Haye, une importance moindre qu’à Amsterdam ou à Harlem. Déjà, en 1614, un contemporain de Ravesteyn, Evert Crinsz van der Maes, avait été chargé de peindre pour elles trois officiers de la Compagnie blanche, qu’il avait représentés jusqu’aux genoux, tenant des hallebardes, et, au second plan, d’autres membres de leur association encore couverts d’armures. Trois ans après, une œuvre bien supérieure du même artiste nous montre un porte-étendard de la Compagnie d’Orange vêtu de rouge, le poing sur la hanche, tenant fièrement le drapeau aux couleurs nationales, peinture généreuse dont l’ampleur décorative et la belle tournure rappellent un peu les maîtres vénitiens que van der Maes avait pu étudier en Italie. Ce sont, au contraire, des qualités bien hollandaises d’entière sincérité, de conscience, de mesure parfaite et de savoir accompli que Ravesteyn manifeste dans ses tableaux de gardes civiques du musée municipal de La Haye. Une étroite solidarité n’avait jamais cessé de régner entre les milices bourgeoises et le Magistrat de cette ville : c’est de ce sentiment que l’artiste devait s’inspirer dans les divers ouvrages dont l’exécution lui fut confiée. Dans le premier d’entre eux, daté de 1616, l’épisode qu’il a choisi est la visite officielle faite par les membres de ces corporations à l’hôtel de ville. Vêtus de costumes variés, pourpoints ou cuirasses, casques ou chapeaux à plumes, vingt-cinq de ces membres descendent les degrés du Stadhuis, rangés en deux files superposées. Mais ces personnages trop nombreux pour les dimensions restreintes de la toile, — 1m,80 sur 2 mètres, — sont tellement pressés les uns contre les autres que la composition semble compacte et encombrée à l’excès. Le modelé des visages est, d’ailleurs, assez sommaire ; les ressemblances ne s’accusent guère que par la justesse des mises en place. Il y a plus d’air, plus d’aisance et un art plus consommé dans une œuvre plus importante aussi (1m,73 sur 4 mètres), postérieure seulement de deux années. Ravesteyn, tout en modifiant la donnée de sa composition, en a cette fois encore emprunté les élémens à la réalité. Tous les ans, au mois de mai, pendant la kermesse, les milices bourgeoises célébraient leur fête solennelle. À cette occasion, après le défilé de leurs troupes d’abord devant le stathouder entouré de sa famille, puis devant le