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la chambre de justice fut assez tumultueuse et confuse. Il y eut une prise entre deux des juges, Voysin et Catinat, le père de l’homme de guerre, parce que celui-ci disait que les avocats n’avaient rien fait de contraire à leur devoir en éclairant, par exemple, l’affaire des 6 millions, dont on avait fait d’abord un grand crime et qui n’était rien. En fin de compte, la requête fut rejetée.

A la mi-août, la fête du vœu de Louis XIII ramena Louis XIV et toute sa suite à Paris. En passant à Charenton, grâce à d’Artagnan qui fit ralentir le pas, Foucquet eut la consolation d’embrasser, à la portière du carrosse, sa femme et ses enfans qu’il n’avait pas vus depuis trois ans. Trois mois s’écoulèrent encore en incidens juridiques ; enfin, le jour vint où l’accusé allait comparaître devant ses juges. Il allait y comparaître seul, sans avocats ; le procureur-général ne devait pas non plus être présent à l’audience. Point de plaidoiries ni de lutte de paroles, les écritures suffisaient au jugement.


IX

Deux des commissaires étaient malades, le conseiller Fayet et le président de Nesmond. Celui-ci mourut avant l’issue du procès, demandant pardon à la famille de l’accusé de ce que, pressé par des sollicitations puissantes, il avait opiné contre la récusation de Voysin et de Pussort. Cette sorte de rétractation fut d’un grand effet dans le public et peut-être dans la conscience des juges. La chambre restait composée de vingt-deux commissaires qui s’assemblèrent pour le jugement, le 14 novembre 1664, à l’Arsenal.

A l’ouverture de l’audience, le chancelier Séguier, président, fit donner lecture des conclusions et réquisitions du procureur-général. Elles étaient conçues en ces termes : « Je requiers pour le roi Nicolas Foucquet être déclaré atteint et convaincu du crime de péculat et autres cas mentionnés au procès, être déclaré atteint et convaincu du crime de lèse-majesté, et, pour réparation, condamné à être pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive en une potence, qui, pour cet effet, sera dressée en la place qui est devant la Bastille, et à rendre et restituer au profit du seigneur-roi toutes les sommes qui se trouveront avoir été diverties par ledit Foucquet ou par ses commis ou par autres personnes, de son aveu et sous son autorité, pendant le temps de son administration, le surplus de ses biens déclarés acquis et confisqués, sur iceux préalablement prise la somme de 80,000 livres parisis d’amende envers ledit seigneur. »