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découragement était général. Dutheil demandait à grands cris à être rappelé. L’Espagne ne pouvait ni soutenir, ni désavouer l’agent qui l’avait compromise. Puisieulx cherchait quelque moyen de revenir à des bases plus acceptables. La reprise des opérations militaires et une révolution politique qui en fut la suite, en fermant la bouche à toutes les négociations, vinrent à point pour tirer tout le monde de peine.


III

Du moment, en effet, où la paix était de nouveau indéfiniment ajournée, c’était à la guerre qu’il fallait songer et pourvoir. Et tout de suite la plus grave question avait dû se présenter. Dans quelle condition devait s’engager la nouvelle campagne ? Une chose, on le sait, avait été reprochée à d’Argenson, presque autant que ses idées chimériques et ses faiblesses sentimentales, c’étaient les ménagemens excessifs qu’il avait gardés avec les bourgeois de Hollande et l’instruction donnée au maréchal de Saxe de ne jamais franchir, même au lendemain d’une victoire, la frontière du territoire de la république. C’était cette consigne suivie par Maurice avec scrupule, bien qu’en frémissant, jusqu’à la dernière heure, qui l’avait contraint pendant toute une saison à piétiner sur place par de belles, mais stériles manœuvres, et en contenant avec peine l’ardeur de son armée. A plus d’une reprise (on l’a vu), obligé d’expliquer à Frédéric cette timidité involontaire, il s’était attiré une réponse aussi flatteuse pour lui-même, que sévère et dédaigneuse pour les supérieurs dont il avait dû, malgré lui, exécuter les ordres. Ce véritable métier de dupe allait-il lui être imposé de nouveau ? A quoi lui servait alors la chute du marquis d’Argenson ? Ce n’eût pas été la peine d’avoir poussé lui-même en quelque sorte un ministre dehors, pour continuer à subir ces ridicules entraves. Il réclama donc très impérieusement la liberté de s’en affranchir et d’ouvrir ses opérations de l’année par une attaque directement portée sur le sol même de la Hollande.

Toute naturelle que fût cette insistance, il n’obtint pas sans peine qu’on en tînt compte, mais comme il ne s’agissait pas cette fois, comme dans le cas des pourparlers engagés avec Vienne, d’une négociation toujours incertaine à poursuivre, mais d’un point qui intéressait tout ensemble sa gloire et le bon renom des armes françaises, il ne se découragea pas si aisément. Pour se faire écouter des ministres, il n’hésita pas à mettre en œuvre toutes les ressources du crédit que lui donnaient sur l’esprit de Louis XV