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Fouta-Djallon ; l’empire du sultan Samory, un moment si redoutable, est aujourd’hui à notre discrétion. La belle exploration du capitaine Binger a fixé le pays de Khong dans notre sphère d’influence. Le rattachement du Soudan français à la côte de Guinée, par le Comoé ou par toute autre voie, n’est désormais qu’une question de temps. Notre hinterland sénégalais, — puisque c’est le mot adopté dans la langue diplomatique nouvelle, qui détrône l’ancienne, — embrasse douze degrés de latitude, dix-huit de longitude. Il déborde sur le littoral les enclaves étrangères de Bathurst, des Bissagos, de Sierra-Léone et la république de Libéria. On s’étonnera peut-être de voir passer sous silence le Dahomey, qui a fait naguère tant de bruit en France. Grâce au ciel, nous avons évité une campagne sanglante et coûteuse dans ce couloir sans avenir, étranglé entre les établissemens britanniques de Bénin et de la Côte-d’Or. Nous eussions travaillé une fois de plus pour l’Angleterre : les charges que la France et les Allemands de Togo supportent au Dahomey doivent fatalement revenir à la nation maîtresse du bas Niger et de la Volta.

Si l’on jette les yeux sur une carte, on verra que tous les efforts des trois grandes puissances, à l’occident de l’Afrique, convergent actuellement vers un même point : le Soudan central, le bassin du lac Tchad. L’Angleterre en approche par la meilleure et la plus courte route ; mais elle doit compter, sur son flanc droit, avec la marche parallèle des Allemands du Cameroun ; elle peut être tournée, gênée au moins, sur son flanc gauche, par les Français du haut Niger. Nous pourrions, d’autre part, arriver au Tchad par le sud, en partant du Congo français ; tout fait supposer que les sources du Châri, le principal tributaire du lac, doivent naître très près du haut Oubanguî. Un de nos explorateurs, M. Crampel, cherche en ce moment la route entre les deux rivières, dans une région où nul voyageur ne s’est aventuré jusqu’à ce jour. — Les traités de partage conclus il y a quelques mois, en tant qu’ils concernent l’Afrique occidentale, n’avaient d’autre objet que de régler les conditions de cette course au Soudan, par la délimitation des sphères d’influence.

Un premier accord était nécessaire entre l’Allemagne et la France, pour fixer la ligne de démarcation qui séparera le Congo français des territoires du Cameroun ; accord facile, par cela même que la position de cette frontière ne peut avoir aucun effet sur les compétitions au Soudan. On a tiré une ligne droite du cap Campo dans la direction de l’est, elle va se perdre dans l’inconnu. L’opération était plus délicate au nord du Cameroun, entre l’Allemagne et l’Angleterre. Les deux nations ont accepté un tracé qui part de la baie de Biafra et rejoint le Bénoué à Yola ; ce tracé coïncide avec