Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessaires à la vie, conséquence forcée et immédiate du vote du tarif Mac-Kinley, l’insuccès complet de la spéculation qui avait engagé une campagne de hausse sur le silver-bill et provoqué un boom imprudent sur toutes les valeurs libellées en monnaie d’argent ; en dernier lieu, la déroute du parti républicain aux élections du 4 novembre, ont été autant de motifs qui rendaient la place de New-York plus prête qu’en aucun autre temps à subir les influences fâcheuses sur le domaine des affaires financières.

On sait qu’en dépit de la loi votée il y a trois ans sur les relations des compagnies de chemins de fer entre elles et avec le gouvernement, loi dite Interstate Commerce Act, et de la formation à Chicago d’une association des présidens des lignes de l’ouest, en vue de régler à l’amiable toutes les questions de tarifs, les grands systèmes de voies ferrées qui se partagent l’exploitation de l’immense territoire à l’occident du Mississipi n’ont jamais cessé de se faire une guerre acharnée à coups de modifications de tarifs et ont entraîné constamment dans leurs querelles les Compagnies dites du Nord-Ouest qui convergent sur Chicago. Un des résultats de la dernière crise à New-York aura été fort probablement de précipiter la fin de ces luttes et en même temps la solution du problème des chemins de fer aux États-Unis. En effet, lorsque le marché anglais eut commencé à jeter sur la place de New-York, par millions, les actions de compagnies américaines de chemins de fer, M. Jay Gould et ses amis ont habilement accentué la panique en vendant tout d’abord en même temps que les Anglais. À ces ventes ont succédé bientôt des achats formidables à des cours propices, et M. Gould aujourd’hui passe pour avoir acquis un contrôle absolu sur plusieurs des grandes compagnies de l’Ouest, notamment sur l’Union Pacific et sur l’Atchison Topeka and Santa-Fe, dont il conduirait désormais l’exploitation en parfaite harmonie avec les intérêts de ses propres lignes, constituant le système du Missouri Pacific.

La place de Berlin a été atteinte à peu près dans les mêmes proportions que la nôtre par la crise des valeurs argentines. Elle porte, en outre, le poids d’engagemens considérables en valeurs italiennes que les banquiers n’ont pu repasser au public. Enfin, elle subit aussi le contre-coup de la baisse du rouble, qu’une spéculation téméraire avait entrepris cet été de porter au pair, négligeant de compter avec le gouvernement russe lui-même, dont l’intérêt n’est pas de relever actuellement le prix du rouble-papier à la valeur métallique. La banque berlinoise s’est donc recueillie pendant la crise, laissant fléchir l’italien et les titres des établissemens de crédit, dont les cours servent habituellement de régulateur au reste de la cote. Aujourd’hui, l’activité se réveille et la liquidation semble devoir donner de meilleurs résultats en Allemagne, comme à Londres. Vienne a suivi Berlin avec sa docilité habituelle. Francfort, place moins puissante, mais plus riche