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atténuer les responsabilités de la triple alliance, c’est-à-dire de sa politique, à laisser entrevoir la fin des dépenses d’armement, à promettre des économies, même à affecter un certain esprit de conciliation. C’est que évidemment, en parlant ainsi, il croyait répondre à un sentiment public, aux vœux de l’opinion : c’était une tactique habile !

Aujourd’hui la campagne est finie. Le succès a couronné les espérances du président, du conseil italien. Il retrouve une majorité plus forte que celle qu’il avait dans la dernière chambre. Il y a bien, il est vrai, dans ces élections quelques dissonances, quelques bigarrures. A Rome même, à côté des ministériels élus, il y a un Triestin, M. Barzilaï, adopté par les irrédentistes. Les chefs radicaux, M. Cavallotti, M. Imbriani, M. Bovio, reviennent à la chambre. Les libéraux modérés ont quelques succès modestes. Le résultat, dans son ensemble, n’est pas moins une victoire pour le président du conseil. L’armée ministérielle qui rentre à Monte-Citorio compte ou est censée compter plus de 350 députés provisoirement ralliés sous le pavillon officiel. M. Crispi a réussi ! Il devait réussir moins peut-être par la popularité de sa politique ou par son habileté que parce qu’il n’avait contre lui que des oppositions incohérentes et des partis divisés, les uns inquiétant le pays par leurs hardiesses ou leurs exagérations, les autres hésitant à avouer un programme de libéralisme indépendant ; il avait pour lui tous ceux qui dans l’embarras se rattachent au gouvernement. C’est la raison de ce succès de scrutin. La question n’est plus là ; elle est maintenant dans ce qu’on fera le lendemain, dans ce qui sortira d’une situation qui, après tout, reste aujourd’hui ce qu’elle était hier. Quelque dextérité que M. Crispi ait mise dans son discours de Turin à déguiser, à pallier l’état financier et économique du pays, il ne peut pas remédier au déficit avec des paroles ; il ne peut pas empêcher que dans les dix premiers mois de l’année les exportations italiennes n’aient subi une diminution de 76 millions. D’un autre côté, si imposante que paraisse la majorité nouvelle, elle se compose d’élémens fort divers. Parmi ces nouveaux élus, il en est beaucoup qui se sont prononcés contre les armemens, contre les aggravations d’impôts, c’est-à-dire contre la continuation de la politique qui a produit pour l’Italie des fruits amers. De sorte que ce qui ressemble à une victoire éclatante de scrutin pour M. Crispi pourrait bien être le commencement de nouveaux embarras pour lui s’il ne réussit par une politique supérieure à maintenir sa majorité intacte en rassurant le pays éprouvé dans ses intérêts.

Rien n’est certes plus divers que la vie de ce monde. Tandis que les uns sont à leurs crises financières, les autres à leurs réformes intérieures ou à leurs élections, le drame intime qui se déroulait depuis quelque temps au château du Loo, en Hollande, vient de se dénouer presque à l’improviste par la mort du roi. On ne s’attendait pas à une fin si prochaine, puisqu’il y a quelques jours seulement on organisait