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la première place dans les conseils des gouvernemens, dans les parlemens qui se rouvrent, dans les élections qui se font. On se détourne un peu de la vieille politique, on laisse sommeiller à demi la grande diplomatie et la triple alliance. On mentionne à peine les armemens en s’en excusant comme d’une nécessité qu’on subit ; on va au plus pressé, aux budgets, aux impôts nouveaux qu’on se croit obligé de créer, aux relations de commerce qui sont partout assez embrouillées, aux réformes intérieures. C’est pour le moment, à ce qu’il semble, le principal objet des préoccupations officielles à Berlin ; c’est le thème du discours que l’empereur Guillaume II a prononcé il y a quelques jours à peine à l’ouverture de son landtag prussien, en attendant la réunion prochaine du Reichstag, du parlement de l’empire. Au fond, pour toute politique générale, le jeune souverain n’a guère fait que répéter sommairement ce que tout le monde dit depuis quelque temps, ce que lord Salisbury déclarait l’autre jour au banquet du lord-maire : que la paix de l’Europe semble assurée, qu’il n’y a aucune apparence de conflagrations imminentes, qu’il n’y a que des relations amicales entre les puissances. Guillaume II s’est particulièrement attaché à entretenir ses députés prussiens de leurs affaires intérieures, des finances, de la révision des impôts directs « pour améliorer la situation budgétaire par une répartition plus équitable des charges publiques. » Et comme l’a dit l’empereur, dès le lendemain de l’ouverture du landtag, le chancelier, M. de Caprivi, a déposé quelques lois spéciales, dont l’une sur la révision de l’impôt direct. C’est ce qu’on peut appeler une grosse affaire, et les projets que le nouveau ministre des finances, M. Miquel a préparés, qu’il a même déjà commencé à défendre ne sont certes pas sans importance. Ils ont visiblement une intention semi-démocratique ; ils ne tendent à rien moins qu’à réaliser une révolution fiscale et même sociale, à en finir avec ce qui reste de féodal en fondant l’impôt nouveau sur le revenu, à soumettre les privilégiés à la loi commune, à mettre des taxes nouvelles sur les successions, sur la grande industrie. Soulever de telles questions, c’est évidemment remuer des intérêts qui sont encore puissans et qui sont surtout disposés à se défendre dans le landtag, encore plus à la chambre des seigneurs. Déjà les premières escarmouches font présager une lutte des plus vives. De même une réforme du régime scolaire que le chancelier a proposée, qui tend à concilier les droits de l’état et les droits des différens cultes, semble rencontrer des résistances. On n’est pas au bout.

Ce qu’il y a peut-être de plus curieux dans tout cela d’ailleurs, c’est moins ce qu’on propose que le personnage même de ce jeune souverain impatient de mettre la main à tout, de faire sentir son action en tout, d’être, comme on l’a dit, son propre chancelier. Évidemment, Guillaume II poursuit une œuvre dont on n’a pas le dernier mot. Depuis qu’il est arrivé au règne, il n’a cessé de tendre d’abord à