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temps un peintre de talent, le docteur don Julio Fernandez Villanueva, fut tué en pansant des blessés sur le champ de bataille. Les médicamens, la literie, le linge, les vins généreux, affluèrent immédiatement à l’ambulance du parc. Des femmes, des jeunes filles, enjambèrent les barricades pour venir y faire le service d’infirmières. Les blessés, du reste, y séjournaient peu. On les évacuait après le premier pansement sur les hôpitaux ou, si c’étaient des civiques, dans leurs maisons. L’association de la Croix de Genève, organisée à Buenos-Ayres depuis 1880, se mit aussitôt en mouvement. Le service de l’Assistance publique, dont relèvent les hôpitaux et qui dépend de la municipalité, recueillit et soigna les victimes des deux partis. De part et d’autre, on se battait sans haine. Les civiques ne détestaient que M. Juarez Celman, et les soldats qui le défendaient n’étaient pas éloignés de penser à son endroit comme les civiques. Les seules troupes contre lesquelles le peuple fit preuve d’animosité lurent les sergens de ville. Ils étaient fort nombreux, plus de 3,000 hommes d’infanterie et de cavalerie. Le président les considérait comme sa garde la plus sûre. Il leur avait donné ainsi qu’aux pompiers l’armement et l’organisation de corps de ligne. Pourvus de chefs plus soucieux de leur conserver ce caractère militaire que de faire de bonne police, ils affichaient avec la population une incivilité soldatesque. On avait une dent contre eux et on le leur fit durement sentir : outre les combats où ils figurèrent et furent éprouvés, ils perdirent énormément de monde dans le service de patrouilles et d’estafettes. On les visait avec un soin particulier. Depuis les troubles, un groupe de citoyens s’est donné mission de réconcilier la police avec la population. Il a réuni par voie de souscription des sommes importantes avec lesquelles il a fondé une caisse de retraite pour les sergens de ville. Cela semble un moyen aussi généreux qu’efficace de les rendre polis, et montre combien les esprits se trouvèrent détendus après la bourrasque.

Dans la journée du dimanche 27, pendant l’armistice, quatre personnages politiques offrirent au gouvernement et aux insurgés leurs bons offices, qui furent acceptés, afin de négocier un arrangement. Sur les quatre, il y en avait trois qui appartenaient à l’entourage intime du général Roca. M. Benjamin Victorica, qui avait pris l’initiative de cette démarche, avait été son ministre de la guerre ; M. Francisco Madero fut vice-président de la République sous son administration ; enfin M. Tornquist, un banquier, est son ami personnel, et c’est à lui qu’en une circonstance importante il avait adressé par la voie des journaux une lettre où il développait ses vues financières. Le quatrième, le docteur don Luis Saenz