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lossale démonstration. Elle a eu lieu : le cortège a traversé sans encombre les principaux quartiers, s’arrêtant, de temps à autre, aux places ou aux carrefours, pour y entendre un orateur populaire. À la nuit, la cité reprenait son aspect accoutumé ; les délégués bouclaient leurs malles et se dispersaient aux quatre coins du royaume-uni.

Ils retournaient chez eux. Qu’allaient-ils dire à leurs commettans et comment rendraient-ils compte de leur mandat ? Sans doute, ils avaient voté quelques propositions utiles, et leur bonne volonté n’était pas en cause. Mais parmi les innombrables questions qu’ils s’étaient flattés de résoudre, quand il faudrait séparer le bon grain de l’ivraie, combien resteraient dignes de l’attention des législateurs ou de l’État ! Les vieux unionistes qui assistaient, avec une tristesse qu’ils n’essayaient pas de dissimuler, à la dernière séance du congrès, sentaient confusément qu’une institution, jusque-là puissante et honorée, venait de recevoir un coup sérieux. Ils plaidaient les circonstances atténuantes. Ils croyaient, et nous croyons volontiers comme eux, que le tumulte, les conflits personnels, la surexcitation générale, avaient altéré le sang-froid et la clairvoyance ordinaires des travailleurs britanniques. Il n’est pas rare, en effet, que des hommes habituellement sensibles au raisonnement et dociles à la voix de la sagesse perdent tout à coup, lorsqu’ils délibèrent en grand nombre, tout discernement et toute mesure. Il serait donc injuste d’associer l’œuvre entière des unions à la réprobation méritée que quelques extravagances ont encourue. Nous ne voyons aucune raison déterminante pour qu’on refuse, à l’avenir, tout crédit aux débats ou aux décisions de ces sociétés. N’oublions pas qu’un parlement ouvrier est essentiellement sujet à l’erreur, et qu’on a vu des assemblées où l’instruction et le niveau social étaient autrement élevés, se rallier à des programmes économiques, ou autres, dont la modération et la science n’étaient pas toujours les principales qualités.

Nous ne reviendrons pas sur la lutte des deux écoles, sur l’influence redoutable que le nouvel élément socialiste possède déjà dans certains milieux. Ceux qui ont bien voulu suivre avec quelque attention le développement de ce récit se rappelleront ce que nous avons dit de l’incorporation des masses turbulentes dont la haute main se fait déjà sentir dans la conduite des associations. Nous nous bornerons à examiner, avant de clore cette étude, les deux points dont la discussion a soulevé le plus de passions et d’orages, nous voulons parler du maximum des huit heures et de l’attitude des unionistes vis-à-vis des non-affiliés. Il est un fait digne de remarque, c’est que le congrès n’a pas abordé une seule fois le