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teurs, aux compagnies de chemins de fer et de tramways, aux industriels de tout genre et de toute espèce qui feront à leurs hommes des conditions raisonnables ; les récalcitrans seront impitoyablement boycottés. La presse n’est pas ménagée : malheur aux journaux qui n’accepteront pas l’échelle officielle des salaires des typographes, leurs reporters ne seront plus admis aux meetings ouvriers. Ces folies et d’autres encore sont couramment débitées, ne soulevant, çà et là, que de trop rares protestations. Quelques heures avant la clôture, on s’attaque encore à ces malheureux paysans, dont l’indiscipline est pour les unskilled labourers une menace perpétuelle. On essaiera de les ramener au bien, c’est-à-dire de les enrégimenter. Il ne faut plus qu’en pleine crise leurs masses ennemies affaiblissent la résistance en se portant au secours des patrons. Le comité parlementaire est formellement invité à se livrer à d’actives démarches à cet égard. De quelles besognes ingrates ne l’a-t-on pas déjà chargé ! Il devra également représenter au gouvernement que le travail dans les prisons cause à certains spécialistes des pertes appréciables, et que c’est là une concurrence dont il faut immédiatement arrêter les progrès. Un vœu sur la hauteur et la largeur des passages souterrains dans les mines est ensuite mis aux voix et adopté. La session est close ; les délégués adressent à leur président des remercîmens unanimes. M. Matkin exprime l’espoir que les résolutions du congrès auront passé de la théorie à la pratique lorsque la prochaine réunion s’assemblera, en 1891, à Newcastle ; peut-être est-ce aller un peu vite, mais nous nous inclinons volontiers devant cette assurance confiante, sans réussir à la partager.


III.


Le samedi 6 septembre, les habitans de Liverpool ont été témoins d’une cérémonie imposante : les sociétés ouvrières avaient organisé, en l’honneur de leurs hôtes, une immense procession d’environ soixante mille hommes. Les cinq sections des unions locales y ont pris part, c’est-à-dire les travailleurs des docks (marins et chauffeurs compris), les charpentiers, les imprimeurs, les mécaniciens, les métiers divers. Chaque groupe était précédé d’une musique ; les manifestans portaient des drapeaux, des bannières, des oriflammes où figuraient, en gros caractères, des devises symboliques et des inscriptions de toutes sortes. Avec ses quais, ses larges voies et particulièrement la longue rue qui, sous des noms différens, descend des hauteurs de la ville à la rivière, le grand port du Lancashire semblait désigné pour être le centre d’une co-