Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ont pas plus de cent élèves. Ils vivent comme les étudians chinois dans d’étroites cellules, quelquefois même deux ou trois ensemble. Ils reçoivent pour leurs dépenses particulières une petite rente de deux ou trois piastres par mois, un peu plus d’un franc cinquante centimes, prélevée sur les biens des œuvres pies ou habbous constitués en faveur de ces établissemens.

Dans la mosquée de l’Olivier il y a deux bibliothèques renfermant des collections précieuses d’ouvrages anciens et de manuscrits arabes.

L’enseignement primaire est représenté par les « écoles du Coran, » où l’on apprend aux enfans à lire, à écrire et à dire de mémoire des fragmens du livre saint. Il n’y a pas moins de cinq cents écoles de ce genre dans toute la régence, dont cent treize à Tunis sont fréquentées par 1,700 écoliers[1]. Ce grand nombre d’écoles et d’écoliers dans un pays réputé barbare n’est-il pas extraordinaire et n’explique-t-il pas pourquoi le Tunisien paraît et est en réalité plus sociable, plus doux que son voisin l’Algérien?

C’est un Français, M. l’abbé Bourgade, qui fonda en Tunisie, vers 1845, le premier établissement scolaire. On y enseignait les langue française et italienne, la géographie, l’histoire et les mathématiques. M. Bourgade avait pour auxiliaires MM. Lagier et Payen, l’un pour l’enseignement des mathématiques, l’autre pour la langue française. Comment étaient-ils venus échouer là? Ainsi que le dit l’honorable M. Machuel, il est bien de connaître les noms de ces pionniers de notre enseignement en pays barbaresque[2].

En 1855, des frères de la doctrine chrétienne vinrent à Tunis y enseigner le français et l’italien ; tous les enfans des Européens se groupant autour d’eux, le malheureux abbé Bourgade dut fermer son école. Nouvelle école ouverte par les frères en 1859 et en 1871. Des missionnaires ayant été appelés en Afrique pour garder pieusement la chapelle Saint-Louis, édifiée sur l’emplacement, où, selon la tradition, mourut le fils de Blanche de Castille, le cardinal Lavigerie fit construire, tout à côté, un collège qui prit le nom de Saint-Louis de Carthage. En 1881, cet établissement comptait plus de cinquante élèves, et, quand se fit l’occupation de la régence par nos troupes, il changea son ancienne dénomination de Saint-Louis de Carthage pour celle du collège Saint-Charles. Ce grand

  1. Notice géographique, administrative et économique sur la Tunisie, par Ernest Fallot. Tunis, 1888.
  2. L’Enseignement public dans la régence de Tunis, par M. L. Machuel. Paris, 1883.