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Fort heureusement qu’en Tunisie de bonnes lignes pourraient être construites sans que le coût dépassât 50,000 francs par kilomètre. Ne sait-on pas déjà qu’en France, comme à l’étranger, l’usage des petits railways d’intérêt local permet de beaucoup réduire les frais d’exploitation? Mais dans quelles parties de la régence faut-il hâter l’ouverture des voies? D’après les études auxquelles s’est livré M. Michaud[1], ce serait de préférence dans les plus abondamment pourvues d’eau, dans les vallées qui découpent le massif septentrional et surtout dans celles qui avoisinent Mateur et Béja. Au sud de la Medjerda, la presqu’île du Cap-Bon, les plaines et vallées de l’Oued-Miliane, de la Siliana, du Sers, du Ghorfaq, de Zouarine, présentent des conditions particulièrement avantageuses. Il en est de même, quoiqu’à un degré moindre, des plaines qui s’étendent au sud de Zaghouan, et qui comprennent une partie de l’Enfida, les alentours de Kairouan et le Sahel. La ligne de la Medjerda, laquelle, comme on sait, constitue le premier tronçon d’une voie intéressant tout le nord de l’Afrique occidentale, restera l’artère principale reliant Tunis et le réseau des lignes tunisiennes aux chemins de fer algériens. À cette ligne principale devront venir se raccorder deux régions riches d’avenir, celles qui, renfermant des élémens sérieux de développement, ont leurs débouchés à Tabarka et à Bizerte.

La première de ces régions, très montagneuse, peu habitée, offre néanmoins quelque importance en raison de ses richesses minières et forestières. Les vallées où celles-ci se trouvent viennent converger vers la mer, dans le voisinage de Tabarka, dont le mouillage, déjà fréquenté à l’époque romaine, est abrité par l’île de ce nom, et qu’une jetée, aujourd’hui disparue, reliait autrefois au continent. La compagnie de Mokta-el-Hadid, propriétaire de la concession d’une partie des mines de fer du Nefzas, a pris l’engagement, qui du reste lui a été imposé, d’établir un chemin de fer des mines à la mer. La main-d’œuvre y serait facilitée par les Kroumirs de Tabarka. Ce n’est pas tout. La voie ferrée de Nefzas à Tabarka pourrait aisément se prolonger sur Béja, reliant Tabarka à ce marché important, ainsi qu’à la ligne de la Medjerda ; elle desservirait, en outre, une mine de zinc récemment mise en exploitation par M. Faure, à Khangouat-el-Tout.

La seconde région est formée par le bassin des rivières aboutissant au Goraâ-el-Iskeul, et qui a pour centre commercial le marché de Mateur. Des sources, des terrains à pâturage, inviteront un jour

  1. Avant-projet d’un réseau de chemins de fer. — Rapport du directeur général des travaux publics. Tunis, 1889.