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qu’on le désigne, reconnaît que la taxe est trop lourde pour certaines contrées, un décret, sur la demande de ce comité, peut le réduire dans des proportions équitables. Comprend-on maintenant pourquoi les Kairouanais firent un si grand abatage de leurs arbres dès qu’il fut question d’en faire la classification?

Le reboisement par l’olivier devrait être pris à tâche sérieuse par le protectorat français, et la gloire qu’il en recueillerait le ferait bénir dans les siècles futurs. Le grand obstacle est la lenteur que l’arbre met à produire, car on estime qu’il lui faut cinq ans pour porteries premiers fruits, dix ou douze ans pour qu’il soit en plein rapport. Il y a aussi le mal que l’on a à préserver l’olivier dans sa grande jeunesse de la dent des troupeaux nomades, et, par-dessus tout, les exactions du fisc, sur lesquelles il est superflu de revenir. Pour triompher de la première difficulté, il faudrait pratiquer sur une grande échelle ce qui se pratique aux environs de Sfax. Le propriétaire d’une terre, achetée généralement à très bon compte, met à la disposition d’un fermier des plants, des chameaux et des instrumens aratoires, ainsi que cela se fait pour les terres à blé ou à orge. Pendant deux ans, le propriétaire nourrit son khammès même pendant trois ans, si cela est nécessaire. Quand vient cette troisième année, que l’olivier est près de son rapport, le khammès sème des céréales sous les oliviers. Le produit de la récolte est ensuite divisé ainsi : un tiers au propriétaire, deux tiers au fermier, ce qui met celui-ci déjà à l’aise. Quand vient la douzième année de ce fermage, le propriétaire reste seul, absolument seul maître de sa terre et de ses arbres alors en plein rapport.

Pour préserver les jeunes pousses de la dent des chèvres et des moutons, il est un moyen ingénieux employé en Allemagne par un riche propriétaire, M. le comte Kielmansegg. M. de Bismarck, son voisin, voisin fort incommode, paraît-il, a appliqué ce procédé à ses propriétés, il peut être mis partout en usage à peu de frais. On divise en plusieurs carrés un grand champ destiné à recevoir des semis d’arbustes; les uns sont entourés d’une clôture assez forte pour empêcher les bêtes d’y pénétrer, les autres restent accessibles aux moutons. Quand les arbustes des carrés fermés sont devenus assez grands pour ne plus courir le risque d’être broutés, on les délivre de leurs barrières, et celles-ci sont utilisées de nouveau pour clore les carrés qui, jusque-là, avaient servi au pâturage.

Si, au lieu de vous rendre de Kairouan à Sousse, vous poursuivez votre excursion dans la direction du sud, vous arriverez dans la région des chotts, à la limite de l’immense désert qui, du Nil à l’Atlantique, couvre une étendue de 120,000 lieues carrées. Tout n’y est pas sans végétation, ainsi que les explorations de Stanley