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tribus. S’il était arrivé quelque chose, les Arabes le sauraient avant nous.

« Nous reproduisons cette conversation, ajoute M. Marc Fournel, sans l’accompagner d’aucun commentaire, nous bornant à en affirmer l’exactitude textuelle. Nous pensons, cependant, qu’elle peut servir à faire connaître un ordre de choses dont peu de personnes se doutent en France, même dans l’administration[1]. »

On compte une centaine de confréries dans l’Islam, dont les chefs sont désignés généralement par leurs prédécesseurs mourans. Il arrive aussi qu’ils sont nommés à l’élection par les moggadem ou cheiks de seconde catégorie. A leur tour, ces cheiks sont élus par les chefs de l’ordre ou par les frères ou compagnons, en arabe les khouans. Tous les ans, il y a une sorte de concile que préside le chef et ayant pour objet de faire connaître la situation de la confrérie. C’était, en France, la réunion du chapitre du temps des ordres monastiques. Les moggadem reçoivent, initient les nouveaux khouans et leur font connaître les obligations qu’ils contractent vis-à-vis de leurs compagnons, quelles sont les prières, les signes qui les feront reconnaître. C’est de la franc-maçonnerie comme en Europe, sauf que la solidarité entre personnes d’une même confrérie est autrement réelle que parmi nous. Ce que l’un possède appartient à l’autre : c’est la communauté poussée aux dernières limites. Ils se reconnaissent par la récitation de certaines phrases du Coran, par leur façon de prier, de porter le chapelet qui leur sert à dire, par jour, jusqu’à deux ou trois mille fois le même verset; par la façon de porter le turban, leur ceinture et jusqu’à certains signes et attouchemens. Toutes ces confréries n’ont qu’un but, ne poursuivent qu’une idée, celle de convertir le monde entier à l’Islam.

Je ne puis énumérer ici toutes les sectes dont parle le commandant Rinn, mais je crois nécessaire de faire connaître les principales, celles dont l’influence est énorme et par le nombre de ses affiliés et par le rôle important qu’elles peuvent remplir le jour d’un soulèvement en Afrique.

A Bagdad est le siège principal de la confrérie des Kaderya, fondée au XIe siècle par un saint homme, Sidi Abd-el-Kader-el-Djilani. Mohammed-Achmed, le célèbre mahdi du Soudan, qui, il y a peu d’années, retint longtemps prisonniers des missionnaires français et Italiens et des sœurs de charité françaises, appartenait à cette secte. C’est aux principes de charité imposés par Sidi Abd-el-Kader-el-Djilani à ses adhérens que ces prisonniers durent la vie. L’ordre est très riche, et ses aumônes sont nombreuses. Les musulmans

  1. Le Christianisme et l’Islam; Challamel aîné, 1886.