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LA RESTAURATION
DES
BOURBONS EN ESPAGNE
D’APRÈS UNE PUBLICATION RÉCENTE

Un publiciste anglais ou français qui veut comprendre l’histoire contemporaine de l’Espagne doit non-seulement séjourner longtemps dans la Péninsule, mais y refaire son éducation, se dépouiller de ces idées communes qui ne sont peut-être que des préjugés, s’approprier en quelque mesure cette philosophie naturelle qui est particulière aux Espagnols, et qui, selon les cas, est une vertu ou le contraire d’une vertu. Il doit tenir pour de vaines superfluités beaucoup de choses qu’il considérait comme indispensables au bonheur d’une nation, se persuader qu’il est plus facile qu’on ne pense de prendre son parti de beaucoup de désagrémens, qu’on peut vivre heureux dans certaines situations qui d’abord peuvent sembler insupportables ; que tout dépend du point de vue, que, quand on a l’esprit bien fait, on sent peu les privations, et qu’au milieu des troubles et des guerres civiles, il suffit d’un verre d’eau, d’une cigarette et d’une chanson pour se procurer de longs et délicieux oublis. Et le moyen de vivre si l’on n’oubliait jamais !

À cette philosophie, il faut joindre un certain fatalisme, la conviction que tout ce qui arrive devait arriver, que nous sommes des marionnettes dont un destin rigoureux ou favorable tient les fils, qu’il est inutile de lui demander des comptes, parce qu’il n’en rend à personne,