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pays a la prétention de se suffire, de tout produire chez lui, en admettant que ce soit possible (sauf à relever les prix de tous les objets consommés), de s’isoler des autres, c’est revenir à l’état des civilisations primitives. Notre vie sociale actuelle avec ses raffinemens, ses exigences, ses besoins, souvent artificiels sans doute, qu’il serait plus sain peut-être de ne pas éprouver, mais contre lesquels on n’a guère le courage de réagir, notre vie sociale n’est possible que par les échanges, par l’exportation et l’importation. — Et ce n’est pas parce que le dernier terme de ce binôme sera débaptisé et appelé pénétration que l’éternelle logique des événemens cessera d’être vraie et qu’une agitation irréfléchie prévaudra contre elle. Les hommes sérieux ne se paient pas de mots et se ressaisissent à la réflexion.

La répétition est, dit-on, la plus puissante des figures de rhétorique. C’est sans doute pour cela qu’abusant d’un mot heureux et qui fait image, et le mettant à toute sauce, sans toujours en comprendre la portée, tant de personnes ressassent les mêmes attaques contre les tarifs de pénétration, ramassant des banalités qui depuis trop longtemps traînent sur le marbre de toutes les tribunes. Il est temps de se reprendre.

C’est pour cela que dans ce fatras confus de plaintes vagues, de déclamations plus ou moins désintéressées, nous avons été heureux de rencontrer au moins quelques griefs nettement formulés, quelques argumentations précises appuyées de chiffres, émanées de personnalités ou de corporations sachant ce dont elles parlent et respectueuses d’elles-mêmes comme de leurs contradicteurs. Prenant celles qui regardent le réseau que nous connaissons le mieux, nous les avons discutées honnêtement, sans passion, sans illusions croyons-nous, nous efforçant de dissiper ce que nous considérons comme des erreurs ou des exagérations, et de faire connaître aussi brièvement que possible, mais complètement, et les principes de la tarification sur nos chemins de fer et l’application raisonnée et, croyons-nous, raisonnable qu’ils en ont faite.

Ce petit travail sera peut-être utile aux personnalités éclairées dont je viens de parler; il s’adresse à ceux, adversaires ou amis, qui, sans se laisser rebuter par un travail parfois quelque peu ardu, étudient avec sincérité, apprécient avec droiture et pensent que le Tarte à la crème des marquis de Molière n’est ni un raisonnement, ni le fond de la raison.


G. NOBLEMAIRE.