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vins de l’Hérault, du Gard, de Vaucluse, de la Drôme, du Beaujolais, de la Bourgogne, empruntent, pour se rendre à Paris, la section de Dijon à Paris.

Pour ce même parcours de 314 kilomètres : les vins de Dijon sont grevés de 21 fr. 30 par tonne ; ceux de Mâcon, 19 fr. 45; de Valence, 16 fr. 95 ; de Cette, 16 francs ; de Draguignan, 15 Ir. 45. Est-ce plus admissible que ce que vous avez naguère critiqué? En aucune façon, et vous voici condamnés à proscrire le principe même des tarifs différentiels, c’est-à-dire le principe commercial et fécond par excellence, pour le remplacer, comme le proposent d’ailleurs certains esprits systématiques et absolus, par l’application d’une taxe fixe par kilomètre, quelle que soit la distance, et croissant mathématiquement, brutalement avec elle suivant une proportionnalité aussi régulière qu’anticommerciale.


Nous ne multiplierons pas davantage les exemples ; aussi bien croyons-nous avoir tout dit, en examinant les espèces les plus frappantes et le plus fréquemment répétées. Le vent est à la protection dans notre pays, et tout ce qui y contredit ou semble y contredire est frappé d’ostracisme. Faut-il dès lors s’étonner de l’émotion qu’inspire l’idée de pénétration des produits étrangers (comme si nous pouvions toujours nous en passer), du succès d’un mot fort expressif de cette émotion, et de l’ardeur aveugle de la campagne à laquelle nous assistons étonnés contre ce qu’on a baptisé les Tarifs de pénétration.

Qui dit commerce, cependant, dit échange. Vendre aux autres ce qu’on produit plus ou mieux qu’eux, leur acheter ce qu’ils produisent plus ou mieux que vous, c’est là toute la vie commerciale et elle n’est que là. Dans le commerce international, cela s’appelle l’importation et l’exportation.

Je ne suis pas de ceux qui s’enrôlent sous le drapeau du libre-échange. La protection me paraît le système qui convient à notre pays, mais encore faut-il qu’elle soit intelligente et mesurée. Indispensable quand il s’agit d’y rendre possible la production d’objets qu’il faut absolument fabriquer chez nous, nécessaire quand il s’agit de permettre à notre pays de défendre son industrie et son agriculture contre celles des pays voisins plus favorisés sous le rapport des matières premières, de la main-d’œuvre ou du climat, la protection est inutile dans les autres cas; nuisible même, si elle est poussée au point d’exagérer les prix de vente aux consommateurs (que nous sommes tous) et d’enlever à nos producteurs l’aiguillon salutaire de la concurrence, sans lequel l’activité s’émousse et le progrès s’arrête.

Veut-on donc proscrire le commerce international? Mais si chaque