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qu’il n’y ait qu’un seul intérêt en jeu, et il est important, celui d’agrandir le rayon d’approvisionnement possible de Paris, la situation, telle que l’établissent les chiffres précédens, n’est-elle pas la plus naturelle du monde et la plus justifiée? Et l’Hérault qui, en raison de son éloignement de Paris, a dû à l’application du principe différentiel dans les tarifs de chemins de fer le colossal développement de sa production viticole, et avec lui sa fortune passée et, grâce à Dieu, sa fortune renaissante, l’Hérault est-il vraiment bien fondé à critiquer l’extension que nous avons faite de ce principe à l’Aude, aux Pyrénées-Orientales, à l’Espagne?

Oui, nous répond l’homme politique qui ne s’offensera pas d’être appelé le plus farouche adversaire des grandes compagnies et des conventions de 1883, que le souvenir de ses classiques condamne sans doute aux... imprécations et auquel sa haute intelligence et sa rare opiniâtreté au travail ont rendu familières toutes les questions de chemins de fer, oui, le principe différentiel est nécessaire ou utile, ou tolérable, mais pas dans son application à l’étranger.

Et pourquoi donc? Les vins étrangers n’entrent-ils pas en France? N’est-il pas actuellement nécessaire de les y faire pénétrer? S’ils n’y entrent pas par toute voie de fer, n’y entreront-ils pas par la voie fluviale que vous ouvrez au grand large, en laissant à la charge de l’État l’intégralité des dépenses de son amélioration, de son entretien, de sa surveillance? Voulez-vous donc proscrire les vins étrangers? Et, au nom de je ne sais quel principe, du principe des nationalités peut-être, que, dans un pays voisin (grand producteur de vin et terriblement embarrassé de sa production), son premier homme d’État traitait récemment avec tant de désinvolture, voulez-vous fermer vos frontières par des droits de douane ou des mesures équivalentes? Faites-le, si vous le croyez nécessaire et possible; — mais, en attendant, pourquoi donc un principe sera-t-il admis en deçà de la frontière et proscrit au-delà?

Admettons-le cependant, mais alors allons jusqu’au bout, car la logique est une et vous y condamne. Il est inadmissible, dites-vous, que, les vins de l’Hérault payant 39 fr. 70 pour parcourir les 776 kilomètres de Cette à Paris, les vins d’Espagne ne soient grevés pour ce même parcours que de 29 fr. 65 ou de 26 fr. 90. — A merveille, mais les vins de l’Aude, des Pyrénées-Orientales sont, eux, des vins français. Et trouvez-vous plus admissible pour cela que, pour le même parcours de 776 kilomètres, ils ne soient grevés que de 35 fr. 75 s’ils sont en provenance de Perpignan? Donc, vous voilà logiquement conduit à proscrire le principe différentiel dans les tarifs communs à plusieurs compagnies françaises et à ne plus l’admettre que dans l’intérieur d’un réseau. Mais, là-même, la logique va vous forcer à le proscrire. Tous les