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année, et il est permis de penser heureusement que dans peu de temps pour ces deux départemens, dans quelques années pour les autres, nous retrouverons la prospérité ou du moins la production d’autrefois et que nous pourrons nous suffire à nous-mêmes. Mais en attendant, il faut bien, inévitablement, à moins de ne plus boire de vin, et l’on n’a pas voulu s’y résoudre, introduire chez nous, en l’y faisant pénétrer de l’étranger, ce que notre sol ne suffisait plus à produire.

Dans le domaine industriel enfin, pour la houille, la production de nos mines est de 25,000,000 de tonnes, la consommation française annuelle est de 33,000,000. Il y a donc une insuffisance fatale, irrémédiable. — Nos mines ne produisent pas la quantité de houille nécessaire ou du moins, pour celles qui pourraient accroître leur production, et il y en a, ne la produisent pas où elle est nécessaire. Il faut donc bien, dans les régions de France où les charbons français n’existent pas ou ne peuvent arriver, dans la Normandie, la Bretagne, dans tout l’ouest de la France, faire pénétrer des houilles de provenance étrangère. — C’est une nécessité regrettable à coup sûr, mais il faut la subir.

Donc la pénétration est, dans nombre de cas, nécessaire, inévitable.

Pour cette pénétration, dont les quelques exemples que nous venons de citer montrent l’impérieuse nécessité, la voie par excellence est la voie navigable intérieure, naturelle ou artificielle. Les fleuves à grand tirant d’eau, tels que la Gironde, le Rhône, la Seine surtout, constituent des voies largement ouvertes à l’importation des produits étrangers et par lesquelles les céréales d’Amérique, les maïs de Turquie, les vins d’Espagne, les houilles anglaises, etc., pénètrent par pleins chargemens de navires jusqu’à Paris. — Ces voies naturelles sont continuées dans l’intérieur du pays par les canaux que l’État construit, entretient, surveille, améliore incessamment à ses frais, c’est-à-dire aux frais de la généralité des contribuables.

Il n’entre pas dans notre intention de rééditer ici un parallèle entre les voies de fer, obligées de construire leur outil de transport, de l’entretenir et de le surveiller, ayant reçu, à la vérité, une subvention de l’état[1], mais une subvention compensée par une telle quantité de charges imposées qu’elle représente pour l’État un placement à gros intérêt, et les voies d’eau artificielles qui ont reçu de l’État une subvention égale à la totalité des frais d’établissement

  1. 3,019 millions de subventions aux six grandes compagnies de chemins de fer à fin 1887, non compris 543 millions pour le rachat des lignes qui ont constitué les chemins de fer de l’État.