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au synode de Dordrecht, aux institutions de Calvin et au catéchisme d’Heidelberg. »

Ces déclarations s’accordaient mal avec les plaintes portées près du grand-duc et plus mal encore avec les livres de Labadie.— Une enquête fut ordonnée, et Élisabeth prit de nouveau la défense de ses protégés.

« J’apprends, dit-elle, qu’on a dit à votre altesse beaucoup de mal de mes Hollandaises, de même qu’on m’en écrit encore beaucoup de Hollande ; si je ne les voyais tous les jours et ne pouvais, à chaque heure, juger de leur conduite, je serais la première à les renvoyer d’ici. Mais je prie votre altesse de ne pas les condamner sans les entendre, et d’attendre jusqu’à l’arrivée du général Elbern. S’il ne vous démontre pas clairement que non-seulement la religion, mais le pays même, prospère depuis leur arrivée et que la considération même de votre altesse s’en est accrue, vous pourrez leur refuser toute protection. Le magistrat sait bien que ce ne sont pas des quakers, mais de vrais réformés. Les bourgeois ont déjà formé le projet de les faire mourir de faim en leur refusant des vivres, mais j’ai assez de moyens d’y pourvoir et de les nourrir sans eux. »

Élisabeth, en justifiant les disciples de Labadie de l’accusation de quakérisme, est véridique et sincère. Elle n’aurait pu toujours, sans trahir la vérité, la repousser pour elle-même. Plusieurs quakeresses se rendirent à Herford ; l’accueil qu’elles y reçurent valut à Élisabeth une lettre pleine de reconnaissance du fondateur de la secte, George Fox. Élisabeth lui répondit en adoptant son style : — « Cher ami, je ne puis m’empêcher d’aimer sincèrement ceux qui aiment Notre-Seigneur Jésus-Christ et auxquels il a accordé non-seulement la grâce de croire en lui, mais encore celle de souffrir pour lui. C’est pourquoi votre lettre et la visite de vos amies m’a été également agréable. Je suivrai vos conseils tant que Dieu m’accordera la lumière et sa grâce. Je suis votre affectionnée. » Le célèbre William Penn fit deux visites à Herford. — Élisabeth, fort émue après sa seconde visite, lui adressa ces touchantes paroles : — « Souvenez-vous de moi, quoique je vive à une si grande distance de vous et que vous ne deviez jamais me revoir. Je vous remercie pour les heures si douces que vous nous avez fait passer, et je suis persuadée que, bien que ma position m’expose à bien des tentations, mon âme sent une forte inclination pour le bien. »

Les revenus d’Herford étaient considérables ; Élisabeth, en bonne administratrice, ne négligeait rien pour les accroître. Elle-même, comme héritière de son père, avait droit à un douaire en argent sur les revenus du Palatinat. Elle en exigeait rigoureusement le