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Je ne saurais néanmoins promettre mon retour en quelques mois, ni en prédire le nombre, puisque je ne vois point que Mme l’Électrice, ma tante, soit en humeur de permettre mon retour, et que je n’ay point sujet de l’en presser avant que son fils soit auprès d’elle.

« Ainsi, je puis espérer, mais non pas m’assurer, que j’auray le bonheur de vous revoir au temps que vous avez proposé votre retour de France. »

Revoir Descartes, c’est retourner chez sa mère. La froideur évidente qui a suivi le meurtre de L’Espinay n’était donc pas une rupture définitive.

Suivant l’historien de la vie de la reine de Bohême, Miss Benger, le départ d’Élisabeth aurait eu pour cause le désir d’alléger, en s’éloignant, les embarras d’argent de la famille.

Louise Hollandine, peu de temps après le départ d’Élisabeth, quitta comme elle le palais de sa mère, accompagnée par un jeune officier nommé Laroque. Dans sa première lettre, elle apprenait à sa mère sa conversion au catholicisme. On attribue généralement à d’autres motifs la fuite mystérieuse de la petite-fille de Marie Stuart.

Louise Hollandine, après avoir congédié Laroque, vécut à Paris chez sa belle-sœur, Anne de Gonzague. Grâce à sa puissante influence, elle devint abbesse de Maubuisson. L’abbaye, théâtre autrefois de scandales sans frein, continua sous sa direction à suivre, tant bien que mal, la voie régulière que la mère Angélique, quittant pendant cinq ans Port-Royal, avait réussi à y imposer.

En prenant le nom d’abbesse de Maubuisson, Louise Hollandine a été rendue responsable, par des historiens oublieux des dates, de tous les débordemens de celles qui l’avaient précédée. On l’a prise pour une autre, pour plusieurs autres, sans doute, en lui attribuant, pour déchirer sa mémoire, plus d’enfans que n’en ont eus, pendant plusieurs siècles, toutes les abbesses de Maubuisson.

L’une des abbesses, sœur de Gabrielle d’Estrées, avait été interdite pour le dérèglement de ses mœurs et renfermée chez les filles pénitentes.

La mère Angélique avait accepté pour un temps la direction et, peu à peu, resserrait chacune dans ses limites, lorsque Mme d’Estrées, s’étant échappée, eut l’audace de revenir à Maubuisson, escortée par quelques jeunes gentilshommes, hôtes habituels de la maison. La discipline rétablie n’irritait pas seulement les religieuses dépravées et coupables. Angélique condamnait et voulait interdire la vie douce et facile, qui semblait un droit acquis et la condition même sous laquelle la profession religieuse avait été acceptée ou