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cessent de menacer. Ils se contentent pour aujourd’hui de vouloir l’épurer ou le recomposer en réclamant son élection par le suffrage universel. Ils le demandent au plus vite, sans perdre un instant, puisqu’il y a des élections sénatoriales au mois de janvier. Le moment est, en vérité, bien choisi; on aurait de plus l’avantage d’ajouter provisoirement une bigarrure de plus à ce malheureux sénat qui a été une première fois réformé, qui se trouverait composé en partie d’anciens inamovibles, en partie d’élus du suffrage restreint et pour le reste d’élus du suffrage universel. — Il y a bien encore, si l’on veut, la motion de M. Brisson sur les congrégations religieuses, motion qui, sous une apparence fiscale, a une signification toute politique. M. Brisson est de ceux qui trouvent que les esprits s’apaisent trop vite en France, et qui, pour rétablir l’équilibre, ont hâte de réveiller dans la chambre la passion anticléricale. C’est encore et toujours de l’à-propos ! — Proposition de M. Brisson, proposition de réorganisation du sénat, proposition de procès boulangiste, admirable manière d’inaugurer une session nouvelle, de multiplier les discussions stériles et de perdre du temps!

A la vérité, il y aurait peut-être une autre manière d’entrer utilement, fructueusement dans cette session qui va s’ouvrir : ce serait de laisser les agités, les radicaux jouer avec leurs propositions, se complaire dans leurs excitations factices, et de s’occuper tout simplement des intérêts du pays, — du budget, qui reste après tout la plus sérieuse affaire du moment, qui résume toutes les autres. Le fait est que la session qui a fini au mois de juillet a laissé une situation singulièrement incohérente, — un emprunt déclaré nécessaire et demeuré en suspens, le déficit dans le budget par suite de dégrèvemens sans compensations, M. le ministre des finances fort embarrassé entre tous ses projets successivement désorganisés par des votes décousus. M. Léon Say traçait tout récemment encore ce tableau d’un trait aussi vif que juste, sans pessimisme comme sans illusion; il ne déguisait pas les difficultés. Le moment serait bien venu, à ce qu’il semble, de reprendre cette œuvre, de s’y attacher avec suite, sans arrière-pensée, surtout sans cette malheureuse manie de mêler aux plus simples affaires les passions et les préjugés de parti. Et ce ne serait pas trop d’un travail assidu, sérieux, si on ne veut pas se traîner jusqu’aux derniers jours de l’année, pour finir par un vote de nécessité, de résignation, imposé au Sénat, ou par l’éternel expédient des douzièmes provisoires. Oui certainement, ce serait ce qu’il y aurait de mieux, — et c’est là justement la difficulté, tant qu’il n’y aura pas une majorité assez éclairée, assez énergique pour se dégager des solidarités radicales, et un gouvernement assez résolu, assez ferme pour diriger la chambre au lieu de la suivre dans ses entraînemens. Une vraie majorité, un vrai ministère, c’est pourtant la première loi du régime parlementaire, — et ce n’est