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un siècle plus tard, par le prieur de Villeneuve en restitution à Constantin de Serres, héritier de la fortune et du domaine de son ancêtre, une sentence du parlement de Toulouse vint donner gain de cause à cette revendication. Est-il invraisemblable d’expliquer par des considérations d’opinions religieuses, étrangères à la justice, une sentence qui ne paraît guère avoir tenu compte des droits et des responsabilités de chacun? Cette responsabilité ne devait-elle pas retomber sur la commune de Villeneuve, qui avait vendu les objets du culte catholique, et non sur Olivier, qui n’avait fait qu’être remboursé par celle-ci de ce qu’elle lui devait, et même incomplètement? Une telle sentence spoliait la famille de Serres d’une somme dont son aïeul avait bel et bien fait l’avance. Voilà ce dont ne paraissent pas se douter les écrivains qui s’attachent à ce grief. Encore tout prétexte lui serait-il enlevé, si l’on admet la réalité d’une pièce que M. Vaschalde croit avoir découverte dans les papiers de la famille de Serres; c’est la quittance de la somme que le prieur de Villeneuve avait donnée à Olivier de Serres lui-même à la date de 1562. Mais n’y a-t-il pas erreur? « La méprise, écrit M. L’abbé Mollier, dans laquelle l’auteur est tombé, était possible, je dois le reconnaître, au chercheur le plus habile et le plus consciencieux, mais il y a eu méprise. » La quittance en question serait celle qui fut remise à Constantin de Serres, et la date, peu lisible d’ailleurs, serait celle de 1658. J’avoue que les argumens que fait valoir M. Mollier me paraissent probans. Comment s’expliquer le procès tait par l’église de Villeneuve à la descendance d’Olivier, si lui-même avait remis la somme réclamée ? On fait valoir encore d’autres raisons qu’il ne me paraît pas nécessaire de rappeler pour ne pas fatiguer le lecteur de détails excessifs. Il me suffit d’avoir examiné des griefs qui, mis en avant avec bonne foi sans doute, mais dénués de fondement solide dans leur partie la plus grave, ne résistent pas à une critique impartiale.


IV.

On est en droit de conclure que le procès intenté à la mémoire d’Olivier de Serres est désormais vidé. En définitive, l’ouvrier a été digne de l’œuvre. L’auteur du Théâtre d’agriculture, de l’ancien sectaire, n’a gardé que le sentiment religieux dans sa généralité la plus élevée, l’idée divine, entrant en collaboration avec la nature. Il en a fait sortir, par rares échappées, une sorte d’hymne de tout ce qui a vie. La teinte biblique répandue sur certaines parties du livre en est un des charmes. Olivier de Serres, dans cette longue période apaisée, ne rappelle-t-il pas lui-même, à certains égards.