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appeler cruauté à froid un de ces actes accomplis en un clin d’œil avec une rage affolée qui se rue sur les victimes? — On sauva, dit-on, un de ces prêtres, Chalendard, pourquoi pas d’autres? — L’argument dénote un assez grand oubli de l’histoire. Est-ce que dans maint événement de ce genre, la Saint-Barthélémy, les massacres de 1792, on ne trouve pas quelqu’un qui échappe ou qui rencontre soudain, sous la main, parmi les ennemis mêmes un protecteur pour le sauver? Tout cela se fait très vite, d’une façon imprévue, sans qu’aucune autorité morale ou hiérarchique puisse intervenir, en supposant que sa voix ne serait pas méconnue et aurait le pouvoir d’arrêter ce qui s’arrête le moins, le bras de furieux acharnés sur des victimes déjà à demi égorgées. Les accusateurs se trompent de date. Ils se croient en face de la commune de 1871, gardant à vue les prêtres qu’elle immolera froidement à son heure. Rien n’y ressemble moins que l’entrée violente d’une troupe armée, se précipitant, par la porte qui lui est ouverte, dans une ville où elle se répand, frappant à droite et à gauche sur tout ce qui s’offre à ses coups.

On repousse avec dédain les preuves morales qui semblent résulter des hommages enthousiastes, en vers et en prose, placés en tête du Théâtre d’agriculture, et qui sont adressés à Olivier de Serres par des écrivains catholiques et même ecclésiastiques : preuve évidente de la réconciliation qui s’était opérée pendant ce quart de siècle écoulé. Ceux qui contestent même la participation d’Olivier au siège en ont fait un argument en leur faveur qui me paraît aller au-delà de la mesure. A de pareilles époques, on voit souvent se produire un besoin d’oubli réciproque entre gens qui se sont fait une guerre acharnée. Le souvenir des anciennes luttes s’était usé par le temps, par la nécessité de vivre côte à côte dans un pays assez resserré, et par la mutualité des services. Mais qu’un meurtrier, à froid ou non, qu’un massacreur, souillé du sang de prêtres inoffensifs égorgés dans le sanctuaire, ait été de la part de pieux catholiques l’objet des dithyrambes pleins d’effusions de sympathie qui figurent au frontispice du Théâtre d’agriculture c’est tout à fait invraisemblable.

On pourrait croire en avoir fini avec ces accusations, mais il y en a une autre, un vrai scandale, nous assure-t-on, l’histoire des vases et ornemens de l’église de Villeneuve, antérieure de plusieurs années aux événemens du siège. C’est un nouveau champ pour d’interminables controverses. Voici l’histoire, que nous abrégeons, sans rien supprimer d’essentiel à la cause, puisque cause il y a. Les habitans de Villeneuve, craignant les pillages qui s’attaquaient alors si fréquemment aux églises, confièrent au seigneur du Pradel