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étant alors de désigner le châtelain par le nom du château? Le rôle de conseiller et de véritable promoteur du siège est fortement marqué dans ce même récit du frère d’Olivier. C’est le seigneur du Pradel qui excite Baron, rempli de doutes à l’égard de la possibilité de l’entreprise, et qui ne consent qu’après une insistance de plusieurs mois à prendre rendez-vous pour le 2 mars 1573 sous les murs de Villeneuve, où il est convenu qu’on engagera l’action une heure après minuit. Là, nouvelles hésitations de Baron, qui regarde l’attaque comme une imprudence. Mais en présence de cette troupe ébranlée par l’indécision d’un chef rompu au métier de la guerre, Pradel, se mettant en prières, répand un tel enthousiasme dans les cœurs que tous ces hommes partent « comme pour aller à une victoire certaine. » — « Les religionnaires, continue Jean de Serres, profitant du silence de la nuit, s’approchent de la ville à travers les anfractuosités des petites collines qui l’entourent de ce côté, y pénètrent et font main-basse sur les premiers corps de garde, enfoncent la porte, etc. » Je m’arrête à cette première partie de la narration.

Le président de Thou confirme ce récit. Il montre le capitaine Baron « convoqué » par Pradela devant Villeneuve et cédant, presque malgré lui, « à son ardent désir et à son autorité. » On ne parle ainsi que d’un supérieur. Même récit dans l’Histoire universelle de d’Aubigné (t. II, liv. II). Seulement, ayant laissé du vague sur la personne de Pradelle dans sa première édition, il ajoute dans la seconde, celle de 1626, que Pradelle est l’auteur même du Théâtre d’agriculture.

Voilà des textes bien décisifs. M. L’abbé Chenivesse les reproduit plus au long dans sa brochure publiée à Valence (1889), intitulée : Olivier de Serres et les massacres du 2 mars 1578 à Villeneuve-de-Berg. Ceux qui croient l’honneur d’Olivier de Serres intéressé absolument à ce qu’il soit resté étranger aux guerres civiles n’avaient qu’un parti à prendre, celui de contester la valeur de ces textes ou de nier l’identité du personnage de Pradel avec Olivier de Serres. Or, contester l’autorité de Jean de Serres et du président de Thou n’était guère possible. Il y avait moins d’invraisemblance à le faire pour d’Aubigné, mais il est ici l’écho, soit des précédens, soit de la renommée, et on ne lui voit pas la moindre raison d’altérer la vérité. Il est protestant et n’a aucun intérêt à mêler son coreligionnaire à un fait qui, quelle qu’ait pu être son irresponsabilité dans les massacres, n’en avait pas moins été incriminé. Il n’y avait donc plus qu’à mettre le tout sur le compte d’une confusion de personne fondée sur l’homonymie. Ainsi avait déjà fait François de Neufchâteau dans son Éloge d’Olivier de Serres. Mais