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par le conseil-général du Jura. L’école de laiterie a pour but de faire connaître et répandre les meilleures méthodes d’élevage, la fabrication du beurre, du fromage et l’emploi rationel des sous-produits ; elle reçoit deux catégories d’élèves : 1° des jeunes gens désireux de s’instruire dans tous les détails de l’industrie laitière ; 2° des fruitiers praticiens qui viennent se perfectionner ; la durée des études est d’un an pour les premiers, de trois mois pour ceux-ci, l’enseignement gratuit ; les apprentis doivent pourvoir à leur entretien ; mais l’état et les départemens accordent des bourses de 40 francs par mois à quelques élèves. De cette création, réclamée depuis longtemps, sortira une pépinière d’excellens sujets. Les directeurs de Mamirolle et de Poligny, MM. Martin et Gobin, font, quand on le leur demande, des conférences dans les communes et donnent d’utiles conseils pour l’aménagement des nouvelles fromageries. Dans le département de l’Ain, à Maillât, à Ruffieu, deux petites écoles de fromagerie, instituées en 1883 et 1884, présentent des résultats satisfaisans.

Voilà donc notre fruitier choisi, son traité signé, le chalet aménagé, pourvu de ses instrumens, le lait versé dans la chaudière : tout près du praticien, la poche, le brassoir, le disque, le tranche-caillé, les toiles, la présure qu’il fabrique lui-même[1], au fur et à mesure des besoins, avec la caillette ou quatrième estomac des jeunes veaux. Voyons comment il procède. Quand le lait a atteint 30 ou 40 degrés suivant la saison, il éloigne un instant la chaudière, y jette la présure qui provoque et détermine le caillage. Au bout de 20 à 25 minutes, la masse ayant pris une consistance gélatineuse, le fabricant, armé du tranche-caillé, commence par la découper en tranches horizontales, d’une manière très régulière. Le lait est remis au feu, porté à une température de 45 à 50 degrés, et pendant la chauffe, il ne cesse de mouver, de brasser la masse encore liquide, afin de partager le plus possible les grumeaux du caillé en facilitant leur formation : en même temps il suit la marche de la température en s’aidant d’un thermomètre qu’il plonge fréquemment dans le liquide. C’est à ce moment qu’éclatent sa force, son habileté, c’est ce tour de main qui exige une longue et minutieuse pratique. Lorsque les grumeaux qui nagent dans le liquide, amenés à la grosseur de grains de riz, sont d’un blanc jaunâtre, se séparent d’eux-mêmes quand on ouvre la main après les avoir serrés, forment une pâte élastique craquant

  1. On fabrique aussi de la présure concentrée, liquide ou en poudre ; mais nos fromagers n’en ont point l’habitude, et presque tous s’en tiennent à l’ancien système, avec raison peut-être, car cette présure artificielle présente quelques inconvéniens. Voir l’excellent traité de Pouriau, la Laiterie, 4e édit., 1888 ; librairie Audot.