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UNE INDUSTRIE PASTORALE.

seconds. L’altitude seule ne détermine pas le prix, mais aussi, et avant tout, l’installation de la fromagerie, l’habileté du fruitier. On comprend l’importance du choix du fromager : beaucoup de candidats se présentent, mais la présomption ne remplace pas le talent, et trouver un homme expérimenté, sobre, honnête, capable de tenir une comptabilité régulière, constitue un problème assez ardu. Est-il célibataire, prenez garde qu’il ne s’absente trop souvent et ne favorise les maisons où il y a de jolies filles ! Est-il marié, père de famille, gare aux produits de la fromagerie ! Je connais une fruitière où l’on débuta par un ivrogne ; les fromages se vendirent 41 francs les 100 livres ; les associés persistèrent, ils choisirent un autre fruitier, les tomes trouvent preneur à 70 francs.

Le gage du fromager[1] est, tantôt fixe avec quelques primes éventuelles, tantôt proportionnel à la quantité des produits ; il varie, selon que la fabrication s’opère toute l’année ou seulement pendant une demi-saison, selon qu’il fournit chaudières, présure, toiles, tranche-caillé, moussoirs, sel, etc., qu’il est nourri, que la fruitière est plus ou moins importante, qu’il peut suffire seul au travail ou qu’il doit prendre un aide payé : le minimum est de 4 fr. 50 et le maximum de 17 francs par 100 kilogrammes fabriqués : en Suisse, on le paie 1 000 à 1 200 francs. Ayez soin de l’intéresser directement à la quantité et à la qualité des produits. En le rétribuant d’après la quantité seulement, il visera, s’il n’est pas délicat, à produire beaucoup de poids ; et pour cela, il chauffera peu le fromage, le pressera mal.

Un grand pas vient d’être fait : en 1887, M. Viette, député du Doubs, avait présenté à la chambre un intéressant rapport sur l’industrie fromagère ; devenu ministre, il décida, par arrêté du 19 juin 1888, l’organisation suivante : 1° création d’une station de recherches et d’études scientifiques sur le lait, à Besançon, sous le titre de Station laitière de l’Est, comprenant un directeur, un préparateur et un garçon de laboratoire ; 2° une école de laiterie établie dans une maison, avec jardin et prés, acquise par l’état, à Mamirolle, auprès d’un domaine rural, avec vacherie et fruitière, lesquels sont exploités aux frais et risques des propriétaires qui mettent leur lait à la disposition de l’école ; le personnel se compose d’un directeur, deux professeurs et un chef de pratique payés par l’état ; 3° une fruitière-école établie à Saint-Vit dans une fromagerie exploitée par un syndicat. Une autre fromagerie-école a été fondée à Poligny

  1. À Servigney, canton de Saulx, Haute-Saône, le fruitier reçoit un traitement de 700 francs, une prime de 2 fr. 15 par 100 francs de vente, une prime de qualité variant de 60 à 220 francs selon que les fromages atteignent des prix plus ou moins élevés. Cette combinaison semble préférable à toutes les autres.