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zonnement des montagnes. Quant aux habitans de l’Ain, ils possèdent maintenant une race qui donne 20 à 25 litres après le vêlage, une moyenne de 15 litres pendant les six mois qui suivent, rapporte jusqu’à 350 et 400 francs par an : dans les communes à fruitières, on ne trouve plus de bœufs et de chevaux que là où ils sont absolument nécessaires pour opérer de lourds charrois, et c’est un axiome consacré que la vache donne trois fois autant que le bœuf à l’engrais, six fois plus que l’élevage du cheval, qu’elle procure plus d’aisance que la vigne aux pays vignobles, car la vigne enrichit le propriétaire, mais appauvrit le sol, et la fruitière enrichit l’un et l’autre. Des communes qui jadis vendaient deux cents voitures de foin au dehors, en achètent deux cents aujourd’hui, leurs prairies artificielles en rendent encore deux cents ; les champs qui produisaient 8 à 10 hectolitres par hectare en donnent 15, 25 et 30 ; des métairies qui valaient à peine 15 000 francs se vendent couramment 60 000.

En général, le bétail suisse l’emporte sur le bétail de nos fruitières : mieux soigné, mieux nourri (les poules pondent par le bec), fortifié par une sélection intelligente, paissant dans la montagne des herbages aromatiques et buvant l’eau limpide des sources, il réunit ce double avantage : quantité, qualité. Tandis qu’en Franche-Comté la vache fémeline donne en moyenne 1 800 litres de lait, la vache suisse arrive à 2 300 au minimum ; dans beaucoup de villages elle dépasse 3 000, et l’on en cite qui rendent 4 200 litres. D’après une ancienne coutume qui a contribué à la sélection du bétail de ce pays, un jour d’été, tous les propriétaires d’une alpe se donnent rendez-vous : le lait des bêtes est mesuré devant témoins, la plus féconde proclamée reine du troupeau, et ses descendans sont recherchés dans la vallée jusqu’à la troisième et quatrième générations. La Suisse est en toute vérité le pays du lait : ses 663 102 vaches fournissent 15 251 346 hectolitres, qui, à 12 francs l’hectolitre, représenteraient une valeur de 183 016 152 francs. L’exportation des fromages atteignait, en 1886, 27 431 900 kilogrammes : si l’on admet une consommation moyenne de 8 kilogrammes par habitant (elle n’est que de 2 kilogrammes en France), on obtient une production totale de 50 080 196 kilogrammes qui, au prix modique de 1 fr. 10, équivalent à 55 millions de francs. La Suisse a quatre écoles de fromagerie théorique et pratique, organisées, dirigées de la manière la plus satisfaisante : Moudon, Sohrntal, la Rutti et Fribourg.

La différence du prix de vente entre les fromages de plaine et de montagne est d’ordinaire de 3 à 5 pour 100 ; deux fois seulement, depuis quarante-quatre ans, les premiers ont dépassé les