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vieilles et douces populations placées en Asie sous un protectorat, qui, lui, du moins, sait ce qu’il veut.

Malgré le calme parfait qui s’établissait dans la régence, plus d’une fois M. Cambon a dû maudire la retenue qui avait mis obstacle à une annexion de la Tunisie, et regretter qu’on n’y eût pas procédé comme en Algérie. Un résident anglais eût sans doute manœuvré de façon à créer quelque affaire qui l’eût contraint d’annexer un territoire comme celui de la régence, aux domaines déjà fort étendus de sa gracieuse souveraine. Mais alors M. Cambon et son entourage eussent oublié l’esprit de leur mission et ils n’eussent pas recueilli de leur présence à Tunis des éloges justifiés d’après les uns, immérités d’après d’autres. Félicitations et blâmes doivent, il me semble, passer par-dessus la tête de M. Cambon pour atteindre les ministres qui donnèrent l’ordre d’un envoi de troupes en Kroumirie.

M. Massicault, successeur de M. Cambon, a, lui aussi, ses partisans et ses adversaires : les critiques de ces derniers devraient plutôt viser une chambre et des ministres sans enthousiasme jusqu’ici pour notre empire colonial. M. Massicault n’est que l’instrument obligé d’une politique indécise, politique qui, comme le chien du jardinier, ne veut ni ronger l’os ni le laisser ronger à d’autres. Le principal grief contre M. Massicault est celui d’être resté longtemps sans avoir obtenu de nos gouvernans la franchise des produits tunisiens à leur arrivée dans les douanes de France. Ce grief vise l’article 4 que notre résident actuel n’a pas lait. Que ne disait-on pas lorsqu’on parlait de le modifier ? Le traitement de faveur accordé aux vignobles tunisiens ne profitera-t-il pas aux vins étrangers? Non, répliquait-on, si, pour empêcher la fraude, les expéditions de vins de Tunisie en France s’effectuent par des ports déterminés ; si toutes les expéditions sont accompagnées d’un certificat d’origine délivré par des employés des douanes françaises, et visés par un contrôleur civil ; et enfin, si l’entrée en France des vins tunisiens est limitée par un décret conforme à la statistique dressée chaque année sur la production du vignoble tunisien. Cette statistique, absolument exacte, constate et prédit déjà les résultats suivans : 14,000 hectolitres pour l’an dernier ; 32,600 pour 1890, 150,000 à 200,000 probablement dans une dizaine d’années. Quant à la taxe dont le vin tunisien sera désormais frappé à son entrée en France, elle ne sera plus que de 75 centimes ; les vins français entrant en Tunisie paieront une taxe d’introduction de 3 pour 100 ad valorem s’ils sont destinés au commerce.

Tout est bien qui finit bien : mais il s’en est fallu de peu que le remède ne fût appliqué à des viticulteurs moribonds.

Il reste contre le protectorat actuel l’accusation de nous avoir