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porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui Tient du ressentiment de leurs misères continuelles; et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n’est, en effet, que dans le repos, et non pas dans le tumulte; et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache à leur vue dans le fond de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l’agitation et à se figurer toujours que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera si, en surmontant quelques difficultés qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par là la porte au repos. » Cette tendance au repos par la satisfaction, c’est l’aspiration qui pousse à agir. Pascal ne parle pas de l’aspiration qui sollicite à contempler, et qui est propre aux beaux-arts ; mais tacitement il en constate le germe en signalant la tendance à recouvrer la grandeur perdue, l’idéal. Que cet idéal de félicité soit réellement une grandeur perdue, comme il le croit d’après le témoignage de la Bible, ou un type à réaliser dans l’échelle ascendante de la vie, comme le peut suggérer l’audition d’une symphonie de Beethoven ou la contemplation du Parthénon, c’est autre chose, — et nous n’avons nul besoin de choisir entre ces deux hypothèses pour retenir ce qui importe à notre recherche présente. De quelque façon que Pascal ait interprété la révélation spontanée, en dépit de sa foi acquise, en dépit même de sa répugnance à ne point tout devoir à la grâce, il doit, bon gré mal gré, à cette révélation le divin malaise d’âme, la prédisposition morale qui est le plus essentiel fondement de sa foi chrétienne. La révélation chrétienne s’est assimilé la révélation spontanée et l’a formulée de manière à suffire à ce grand cœur; elle l’a d’ailleurs payée d’ingratitude : elle l’a reniée. Est-il vraisemblable que le pyrrhonisme ait eu raison, dans Pascal, d’une foi si profondément établie? N’était-elle pas indéracinable? Nous pensons que Pascal n’a jamais cessé d’être croyant, même à son insu, dans ses crises d’irrésolution, comme un homme qui se noie se débat dans l’eau qu’il ne peut fuir. L’examen de sa vie, à ce point de vue, confirmera plus loin les indications de la psychologie.


VI.

Pascal, par ascétisme, sinon par nature, semble indifférent, dans ses Pensées, aux manifestations du beau. S’il y était plus sensible ou moins hostile, il montrerait sans doute avec plus de clarté la part du cœur dans la révélation du divin. Il se borne à l’affirmer, et, comme le divin pour lui, c’est le Dieu du christianisme, il ne