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s’appliquera donc, avec le plus extrême des zèles, à faire que tous les genres d’industrie, lainages, cuirs, fer, bois, qui n’existent pas dans nos pays, y soient institués, autant que cela est possible. « Il appellera de l’étranger des ouvriers. Le roi lui indique où il trouvera des drapiers et des fabricans de bas. A-t-on besoin d’un compagnon drapier? Qu’on aille le chercher à Gœrlitz, à Lissa ou en Hollande. On lui promettra et on lui donnera un métier. On le mariera avec « une fille d’ici. » On lui fera des avances de laine. « Et voilà que le compagnon gagne son pain, fonde une famille et devient son maître. » Il n’y a rien de plus aisé : « Vous ne me ferez pas croire qu’il faudra beaucoup de peine pour engager de pareilles gens et les attirer dans notre pays. »

La production industrielle s’accroîtra donc, comme la production agricole ; mais il faut assurer la vente et la consommation des produits. Ici, la règle très simple : ne pas acheter à l’étranger, ou lui acheter le moins possible ; lui vendre le plus possible. A l’entrée du royaume, la prohibition absolue ou le prélèvement de droits considérables ; à la sortie, une légère accise, qui n’empêche pas l’exportation. Seulement, il y a des exceptions à cette règle. L’idéal du roi de Prusse est que la Prusse se suffise d’abord à elle-même, comme si elle était seule au monde. Il établit entre ses villes et ses campagnes un échange de relations et de services. Il lie l’une à l’autre son agriculture et son industrie, de façon qu’elles se complètent l’une l’autre. Par exemple, un des grands produits de l’agriculture, c’est la laine. Les paysans la veulent exporter; mais alors, il faudra que les drapiers, qui ne trouveront plus assez de laine dans le pays, en achètent au dehors, et l’argent de Prusse sortira de la Prusse. Le roi défend donc l’exportation de la laine. La conséquence est que toute la laine doit être ouvrée dans le pays ; « autrement, nos chambres provinciales ne manqueront pas de dire que nos fermiers ne pourront se défaire de leur laine, qu’elle ne vaudra plus rien, et ainsi de suite... » Aussi le roi prescrit-il aux chambres et aux commissariats de faire un relevé exact, d’une part, de la quantité et de la qualité de la laine produite par chaque province; d’autre part, des manufactures qui travaillent cette matière. Le directoire général comparera le total de la laine ouvrée au total de la laine produite. Il se trouve que le premier est inférieur au second. Il reste, par exemple, 2,000 poids de laine de première qualité et 1,000 de qualité ordinaire qui ne trouveront point d’acheteurs. Mais le directoire établira dans une ville neuf drapiers, dont chacun emploiera 300 poids de bonne laine, et cent ouvriers fabricans de bas, dont chacun ouvrera au moins 10 poids de laine moyenne. L’écart est comblé. Ce sera tout profit pour le royaume, car le paysan prussien vendra sa laine; la Prusse fabriquera le drap et les bas en