Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/580

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelque imparfaite que soit cette restauration, elle jette une grande clarté sur la vie d’un homme. Beaucoup de paroles de Jésus, beaucoup de faits de sa vie s’expliquent d’eux-mêmes, sans qu’il soit besoin de les commenter, par cela seul que les uns et les autres sont replacés dans leur milieu vrai.

Lorsqu’il a rétabli les faits d’une vie humaine dans leur cadre naturel, l’historien n’a réussi qu’à en achever la description. Une tâche non moins nécessaire s’impose à lui, il doit les grouper dans leur ordre chronologique.

La suite des événemens, c’est l’histoire même. L’unité d’une vie n’est pas concevable sans cet enchaînement. Une des difficultés, un des problèmes de la vie de Jésus est de déterminer avec exactitude la succession des faits que les documens nous ont rapportés et qui constituent sa vie publique. Les données chronologiques fournies par le troisième et le quatrième Évangile et par quelques historiens profanes, éclairées d’ailleurs par l’astronomie et la numismatique attentivement étudiées et comparées, nous ont permis d’arriver à un résultat motivé. Le lecteur trouvera dans le premier Appendice, sous le titre de : Chronologie générale de la vie de Jésus les motifs qui m’ont autorisé à fixer à l’an 747-748 la naissance de Jésus, à l’an 27-28 l’époque de son baptême, à l’an 28-29 son ministère galiléen, à l’an 30 sa mort. Je n’ignore pas les divergences nombreuses qui divisent, sur ces divers points, les chronologistes et les historiens de Jésus ; mais je crois que ces divergences, qui ne dépassent pas sept années pour l’époque extrême de la naissance et de la mort, qui se réduisent à une seule année pour la durée de la vie publique, sont de peu d’importance au point de vue de la substance même de l’histoire. Elles autorisent, en tout cas, la liberté de l’écrivain, si, en adoptant une conclusion, il la motive.

Quelques auteurs ont avancé que la vie publique avait duré jusqu’à sept années. Pour être acceptable, un tel sentiment devrait s’appuyer sur les documens évangéliques et non sur des autorités postérieures. Or, on peut discuter, d’après les Évangiles, le point de savoir s’il y a eu trois ou quatre Pâques dans le ministère de Jésus; mais rien ne nous permet d’en découvrir une de plus ou de moins.

Quelque système qu’on adopte, l’histoire entière de Jésus se déroule entre deux dates fixes, incontestables. Il est né avant la mort d’Hérode, qui eut lieu au printemps de l’an 750 ou 751, et il est mort sûrement avant que Pilate quittât la Judée, c’est-à-dire avant l’an 36 de l’ère vulgaire.

Les faits d’une vie décrits et classés suivant une chronologie justifiée, il ne reste à l’historien qu’un devoir, le plus ardu et le