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Les faits racontés, bien que prodigieux et miraculeux, sont-ils concevables et n’impliquent-ils aucune contradiction, soit qu’on les examine dans le détail, soit qu’on les juge dans leur ensemble ?

Ils sont concevables, leur harmonie est indissoluble et d’une parfaite unité ; ils ont pour cause la force infinie de Dieu intervenant dans l’humanité de Jésus qui en est l’organe irrésistible ; ils ont pour fin la vertu, l’instruction, la sainteté et le salut des hommes, la manifestation de la miséricorde ineffable de Dieu.

Les témoins de toutes ces choses transcendantes peuvent-ils être reniés ?

Non, leur vie sainte et leur martyre attestent leur sincérité ; ils prouvent, dans l’espèce, non-seulement qu’ils croient ce qu’ils affirment, mais que ce qu’ils affirment est réel ; car leur affirmation a pour objet des faits palpables, extérieurs, sensibles, publics, sur lesquels il n’y a pas d’erreur possible.


XII.

Lorsque la critique a accompli son œuvre, éprouvé et choisi les matériaux, l’histoire peut commencer la sienne et construire l’édifice.

Les élémens essentiels de la vie de Jésus sont fournis par les Évangiles. Celui qui les examine avec impartialité, à la lumière d’une critique affranchie de toute idée philosophique, antérieure à toute croyance, d’une critique qui, seule, à ce titre, a le droit de se nommer la critique de la raison pure et impersonnelle, celui-là, — n’eût-il pas la foi, — devrait les accepter dans leur intégrité absolue, sans les altérer ou les atténuer, sans retrancher un seul fait, une seule parole.

Tout en eux est historique et réel, même et surtout les faits miraculeux, et les paroles de Jésus les plus transcendantes par leur mystère.

C’est ainsi que je les ai acceptés dans cet ouvrage : ils s’y retrouvent intégralement, harmonisés et fondus. Alors même que ma foi ne m’eût pas fait un devoir sacré de les accueillir sans réserve, ma seule raison d’historien impartial me l’eût commandé. Loin de chercher à ramener les événemens prodigieux de cette vie sans pareille et la doctrine mêlée à ces événemens aux proportions de ma pensée individuelle, je me suis efforcé de m’élever à la hauteur des choses que je raconte et de m’effacer moi-même devant la Sagesse infinie dont j’ai reproduit les enseignemens. Une telle disposition d’esprit est une garantie de fidélité, car l’homme est naturellement enclin à substituer ses propres sentimens et ses