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L’un est un fait essentiellement concevable, parce qu’en lui-même il n’implique aucune contradiction, parce qu’il a une raison d’être suffisante et une finalité morale. Le merveilleux, au contraire, est souvent absurde ; lorsqu’on cherche la cause qui aurait pu le produire, on ne la trouve pas ; et si l’on veut découvrir son but, il apparaît vain ou immoral.

Qu’on examine, un à un et en détail, les faits miraculeux dont la vie de Jésus est pleine, qu’on les compare avec ceux qui se retrouvent dans les livres consacrés à Bouddha ou à Mahomet, et même avec les récits des évangiles apocryphes, et l’on verra la différence entre le miracle que la raison peut et doit accepter, s’il est certifié par des témoins dignes de foi, et le merveilleux fantastique que la raison doit inexorablement répudier, fût-il attesté par des témoins prétendus. Il n’y a pas de témoin contre la vérité. Elle domine tout. Celui qui dépose contre elle se trompe ou il nous trompe. Il n’y a pas à hésiter ; son sang versé ne prouverait que la sincérité des illusions du martyr ; il ne serait pas traité de fourbe, mais de visionnaire, d’illuminé et de fanatique.

Les miracles de Jésus, rapportés par les Évangiles, présentent tous un même caractère de force divine, de vérité, de simplicité, d’harmonie et de bonté. Ils n’ont rien de bizarre comme ceux que la légende a attribués à Bouddha et à Mahomet, rien qui sente l’ostentation, le dessein d’étonner la foule et d’inspirer la terreur. Ils restent toujours empreints de douceur et d’une infinie miséricorde. Pareils à Celui qui les accomplit, ils dévoilent sa puissance sous les dehors d’une mansuétude inaltérable.

La cause qui les produit est dans le Dieu vivant caché sous l’humanité de Jésus, et leur raison finale est le bien des hommes. Tous ont pour but d’éclairer, de toucher, d’améliorer, de provoquer la confiance et d’inspirer la vertu. Ils sont ainsi consacrés par la moralité la plus pure et la sainteté la plus parfaite.

Les prodiges dont la légende de certains hommes a été émaillée ne font pas corps avec l’histoire de ces hommes ; ils peuvent en être retranchés, sans que cette histoire soit atteinte dans le lien même des événemens. Mahomet s’explique avec son œuvre, ses luttes, ses-préceptes, ses succès, son ascendant sur les Arabes, — sans prodiges. Jésus ne s’explique pas sans ses miracles. Ils sont un élément essentiel dans sa mission : par eux, il a conquis la foi de ses disciples, il les a convaincus de sa vocation messianique ; par eux, il a exercé une action puissante sur le peuple, il a pu affirmer et démontrer la vérité de sa doctrine. Jusqu’après sa mort, dans sa survivance au milieu du monde, il reste essentiellement miraculeux. Son œuvre est le plus grand des prodiges. Aucune