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exister que dans l’imagination. Les principes ne se jugent pas, ils jugent tous les systèmes et les croyances, ils mesurent toute vérité.

Les systèmes sont un ensemble de propositions coordonnées à l’aide desquelles certains esprits cultivés essaient d’expliquer l’origine des êtres.

La masse des hommes est incapable de les construire; elle ne peut que les accepter passivement avec une confiance plus ou moins aveugle. Ils déterminent souvent les croyances individuelles et l’opinion d’un siècle. Mais les principes premiers de la raison et les croyances sont à la portée de tous.

La critique ne peut donc s’appuyer que sur trois bases : les vérités premières, ou les systèmes et les croyances de chacun. Si elle invoque une croyance pour mesure, elle n’aura de valeur qu’auprès de ceux qui acceptent cette croyance ; et si elle invoque un système particulier, elle n’aura d’autorité que pour les partisans de ce système. Si, au contraire, elle fait appel aux vérités essentielles et aux principes immuables de la raison, elle s’imposera à tous, car la raison ainsi comprise s’impose à tout être intelligent.

Celui qui juge les faits et les documens où ils se trouvent consignés, avec l’humeur de son siècle et l’opinion régnante, s’expose à l’erreur, car les siècles changent d’humeur, et l’opinion varie. Celui qui les juge d’après son système personnel et sa petite philosophie se trompera de même, car aucune philosophie, quelque large qu’elle prétende être, n’est à la mesure des choses et ne contient tout le réel.

Il faut avoir une raison plus large et plus sûre; or, la seule qui présente à ce double point de vue toute garantie, c’est la raison dans ses axiomes fondamentaux, invariables, éternels, absolus.

Je demande à la critique de juger à cette lumière tous les faits évangéliques et tous les miracles; j’attends avec confiance son verdict.

Cette critique n’appartient ni à un siècle ni à une école; universelle et nécessaire, elle domine tous les systèmes et tous les temps. Elle a été pratiquée par tous les hommes qui ont respecté leur propre raison et qui ne se sont pas suicidés dans le scepticisme. Nul ne peut la récuser, à moins de renoncer à sa nature intelligente et raisonnable.

Tout relève d’elle : croyances et religions, systèmes de philosophie et sciences positives, livres et documens.

Non-seulement la religion chrétienne, la théologie et les livres sacrés de l’Église de Jésus ne la fuient ni ne la redoutent, mais