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sévérités excessives et décourageantes. Il s’agit d’un second bill qui a été joint au premier, qui a été voté par la chambre des représentans de Washington, mais qui est encore en discussion devant le sénat. Celui-ci a un titre qui en précise l’objet, c’est le Tariff-Bill, il est destiné à remanier les droits sur les importations étrangères, pour les aggraver le plus souvent. La discussion, il est vrai, ne va pas toute seule ; elle paraît assez laborieuse, d’autant plus que les intérêts des divers états industriels ou agricoles se heurtent dans ce débat et que le secrétaire d’état, M. Blaine, ne serait pas, sur certains points, favorable au bill.

On en était là lorsqu’est survenu tout à coup un incident qui pourrait compliquer singulièrement les choses, qui, en mettant tout le monde d’accord à Washington, ne tendrait à rien moins qu’à ouvrir une sorte de conflit commercial avec l’Europe, — et cela, pour appeler les choses par leur nom, à propos de porcs ! La France, et elle n’est pas seule en Europe, a cru devoir interdire, par mesure d’hygiène, l’importation des porcs américains suspects d’infection. Les Américains, jettent feu et flamme, protestent que leurs porcs sont aussi sains que nos vins sophistiqués, qu’ils sont victimes d’une interdiction blessante pour la probité américaine ! Ils n’ont pas réussi encore à rouvrir les pays européens à un des plus grands produits de leur commerce. Qu’est-il arrivé ? Ils ont saisi l’occasion du bill Mac-Kinley ; ils ont voté un amendement qui, en instituant sous leur responsabilité une sorte de contrôle de leurs salaisons à la sortie, arme le président du droit de suspendre l’importation des vins étrangers, et généralement d’exercer les représailles qu’il jugera nécessaires contre tout pays qui frapperait de « mesures arbitraires et vexatoires » les produits américains. Et le bill a été accepté, sanctionné par le président Harrison ! C’est une menace pour nos vins de France. C’est aussi pour le président le droit d’ouvrir à volonté une redoutable guerre commerciale. S’arrêtera-t-on dans cette voie ? On pressent déjà ce que le protectionnisme à outrance peut préparer de conflit ; meurtriers pour tous les peuples, pour l’Europe comme pour l’Amérique.

CH. DE MAZADE.