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réforme qui paraît modeste, il ne faut pas oublier que le code pénal, applicable à la population civile, prévoyait encore, dans un grand nombre de cas, des châtimens corporels.


Quelque idéalistes que fussent les patriotes qui avaient entrepris de réformer l’armée prussienne, la partie morale de leur tâche ne les absorbait point. C’était sans doute la plus importante et la plus ardue, mais il y avait dans les institutions anciennes plus d’un vice d’organisation matérielle à reprendre. Le chef de la compagnie, le chef du régiment, qui n’en étaient souvent pas les commandans effectifs, étaient demeurés, vis-à-vis de l’État, comme autant d’entrepreneurs dont la situation rappelait encore, par plus d’un trait, le temps des lansquenets. Si le chef du régiment ne nommait plus les officiers, il touchait encore les sommes fixées à forfait pour alimenter son corps par le recrutement des mercenaires ; le chef de la compagnie touchait de même les sommes fixées également à forfait pour le petit équipement et l’entretien de ses troupes. Lorsque Frédéric II tenta, par une première réforme, de faire rembourser les frais du recrutement des mercenaires sur des listes présentées par les intéressés, on lui apporta des listes falsifiées. Les officiers multipliaient de même les congés, car ils touchaient les allocations de l’État non d’après le nombre des hommes réellement présens, mais d’après des effectifs théoriques fixés une fois pour toutes. Plus ils affaiblissaient leurs corps, plus ils réalisaient de bénéfices. Enfin ils se faisaient des revenus considérables en autorisant un grand nombre de leurs mercenaires à rentrer provisoirement dans la vie civile, à y exercer des métiers dont ils partageaient les profits. Ces trafics divers, qui attachaient au maintien de la paix tous ceux, officiers ou soldats, qui en bénéficiaient, étaient, pour l’ancienne armée prussienne, une source de démoralisation et de déconsidération universelles. Ces abus eux-mêmes trouvaient, parmi les partisans de l’ancien état de choses, en la personne de Borstell surtout, des défenseurs convaincus. Mais en ces matières Frédéric-Guillaume III passa outre. Napoléon avait mis le doigt sur cette plaie, et le roi de Prusse avait été très sensible au dédain de l’empereur pour l’ancienne organisation de l’armée prussienne. Dès le mois d’août 1807 il avait pris, pour transformer cette organisation défectueuse, pour restituer à l’État ce qui lui appartenait et allouer aux officiers des appointemens fixes, de premières mesures qui furent précisées en juillet 1808.

Il en fut de même lorsqu’il s’agit de décréter en principe l’adoption des méthodes de guerre modernes, de décider que les armées en campagne vivraient dorénavant par la réquisition, qu’elles ne