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le service militaire plus acceptable à ceux que l’on voulait y soumettre. La milice devait élire ses officiers, qui auraient même rang et mêmes privilèges que ceux de l’armée permanente. On l’exercerait pendant quatre semaines ou pendant huit semaines chaque année. Enfin, l’on assurerait l’instruction militaire de tous les enfans dans l’école élémentaire.

Cette conception n’avait rien de démocratique, et lorsqu’on rappelait à Scharnhorst que ce projet pouvait présenter quelque danger pour le principe monarchique, que l’armée permanente avait toujours été considérée comme une institution monarchique et la milice comme une institution oligarchique, il répondait que les milices pouvaient, en effet, constituer un danger si les élémens en étaient puisés dans les classes inférieures, mais que tels n’étaient ni sa pensée, ni son projet.

Les idées de Scharnhorst n’en paraissaient pas moins aventureuses. Ce n’était pas seulement le roi qu’elles effrayaient, mais aussi des esprits comme ceux de Gentz, de Vincke, de Niebuhr. Gentz s’indignait de l’esprit outrageusement démocratique et purement révolutionnaire qui régnait dans les bureaux de Königsberg. Vincke, cet administrateur consciencieux, qui avait été en Westphalie le successeur et le disciple de Stein, faisait campagne contre la conscription, qu’il appelait le tombeau de la civilisation, des sciences, de l’industrie, de la liberté civile, de tout ce qui fait la joie de l’homme, et Niebuhr se plaignait de ces enthousiastes qui avaient accueilli les idées anticivilisatrices germées dans le cerveau de capitaines incultes.

La commission de réorganisation militaire échoua devant ces résistances. La seule concession que lui fit le roi fut de supprimer pour l’avenir l’introduction des mercenaires étrangers. Au surplus, le recrutement demeura ce qu’il était ; on se décida seulement à apporter quelques atténuations à ces châtimens barbares qui avaient si largement contribué à faire prendre en horreur le métier de soldat par la population civile. Gneisenau avait éloquemment réclamé, dans un article de journal qui fit sensation et agit vraisemblablement sur l’esprit du roi, ce qu’il appelait la liberté de l’échine. Le 3 août 1808, Frédéric-Guillaume III signa les ordonnances qui réalisaient en ces matières des progrès réels, bien que incomplets.

Elles maintenaient encore un code spécial pour les officiers et un autre pour les sous-officiers et les soldats. Ceux-ci étaient partagés en deux classes. Dans la seconde, les peines corporelles demeuraient en vigueur ; mais pour les hommes admis dans la première classe et qui formaient la majorité, elles faisaient place aux peines d’emprisonnement. Pour apprécier l’importance d’une