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exemples et des mêmes doctrines que Hardenberg et Altenstein, avaient imaginé un système mixte. L’élection, mais l’élection par les grades supérieurs, et l’examen y tenaient l’un et l’autre leur place. Les lieutenans du régiment choisissaient pour chaque promotion trois candidats parmi les Portepee-Fähnrich. Ceux-ci subissaient l’examen, et, si tous y étaient admis, c’étaient les officiers supérieurs qui proposaient définitivement au roi le candidat qu’il investissait.

Le roi résista durant toute une année aux projets élaborés durant l’automne de 1807. Ce fut seulement en août 1808 qu’il les revêtit de son approbation, sans y apporter de modification sensible. La prérogative royale restait toutefois réservée ; le roi pouvait s’affranchir, dans des cas exceptionnels, des règles qui lui étaient tracées.

Ce fut surtout sur la question plus capitale encore du recrutement de l’armée elle-même que Scharnhorst et Gneisenau rencontrèrent, de la part de Frédéric-Guillaume III, une hostilité qui paralysa leurs efforts.

Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer la singulière confusion qui se rencontre dans les idées du XVIIIe siècle allemand sur cette question du recrutement des armées.

La conception du service obligatoire généralisé, du service national, si elle tentait les esprits par ce qu’elle avait de plus équitable, de plus conforme à la notion de l’État moderne avec ses charges et ses devoirs, choquait aussi ce siècle intellectuel, pacifique et cosmopolite.

On s’était acheminé lentement du régime des armées mercenaires au régime des armées nationales. Frédéric-Guillaume Ier avait proclamé le service obligatoire illimité et institué ce système cantonal, ce système de recrutement régional où chaque régiment avait son canton et y puisait le nombre d’hommes qui lui étaient nécessaires. En 1792, l’on avait commencé à limiter la durée du service. Ainsi se poursuivait l’évolution qui devait aboutir au service universel, limité à la durée strictement nécessaire.

Mais l’esprit du temps, la philosophie du XVIIIe siècle, battaient en même temps en brèche cette militarisation extrême à laquelle aboutit la constitution des armées nationales, et le service obligatoire généralisé. Il y avait une contradiction évidente entre le mouvement qui portait à la formation d’armées nationales et cette répugnance pour le service militaire, cet éloignement pour tout ce qui touchait à l’armée. Cette contradiction est frappante à l’époque dont nous parlons. Tandis que Herzberg vantait « cette excellente milice nationale, qui devait assurer la victoire, et plus aisément