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Si l’on fut ménager envers M. Alaux des éloges que sa conduite méritait, on ne le laissa point inoccupé. Le gouvernement de l’empire ne négligea point le digne artiste. On n’avait pas oublié quel service il avait rendu à la galerie d’Henri II à Fontainebleau ; on lui confia la restauration de la galerie de François Ier dans la même résidence. Elle était aussi fort endommagée, et la tâche était complexe. Dans cette décoration, il y a, autour des peintures du Rosso, des cadres en stuc avec des ornemens et des figures en relief qui appelaient des colorations et des ors. M. Alaux consacra plusieurs étés à ce travail de polychromie, et il s’en tira à son honneur.

Bientôt il fut chargé de peindre la coupole de la grande galerie du sénat et d’y représenter la Glorification de Napoléon Ier. L’ouvrage est d’un aspect agréable. Les allégories y sont d’un caractère élégant et exempt de toute affectation politique ; je ne sais pourquoi on a cru devoir le voiler. Je ne compte pas d’autres moindres travaux qui occupèrent ses dernières années et nombre de compositions qu’il dessinait au jour le jour, selon l’impression du moment. Elles étaient le reflet de sa pensée, et si elles avaient été conservées dans leur ordre, elles seraient comme ses mémoires intimes. Elles témoignent toutes d’une âme noble et affectueuse.

A une époque où l’art se fût moins attaché à l’imitation et aux recherches savantes et davantage à son principe idéal et libre, M. Alaux eût occupé dans la peinture une place brillante. Il avait beaucoup d’invention, composait et ajustait avec grâce, avait la promptitude d’esprit et l’exécution facile d’un autre siècle. Mais, dans le temps où il a vécu, l’ouverture même de son intelligence, qui lui faisait sentir le bon côté des choses opposées et les mérites divers de ses contemporains, le gêna et lui nuisit. Il ne sut pas assez défendre son indépendance. Son éclectisme fut cause qu’il gâta quelques-uns de ses ouvrages, moins sans doute en voulant imiter Ingres, qu’en cherchant à lui rendre hommage. Il le reconnaissait plus tard et il s’en accusait comme d’une faiblesse de cœur. Il eût dû vivre dans un temps où l’on ne comptait qu’avec soi, où l’art, affranchi de toutes vues systématiques, n’était pas divisé contre lui-même. Mais précisément, cette libérale culture esthétique et cet éloignement de toute considération égoïste le rendaient très propre à diriger les études. Il convenait mieux à cette tâche qu’un homme de haute et inflexible personnalité. Au début, il y a dans les dons naturels quelque chose de délicat qui ne résiste pas à un contact trop impérieux. M. Alaux exerça son autorité avec discrétion et un profond respect des jeunes talens. Il a veillé à leur développement avec une sollicitude qui s’est prolongée bien au-delà de l’école de Rome ; il s’y est intéressé avec