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son talent, il relevait le genre historique et le plaçait au premier rang. Ses ouvrages suscitaient les appréciations les plus contraires ; mais c’était surtout le peintre que l’on discutait. La recherche de la couleur locale, bien qu’elle fût une revendication du romantisme, devenait peu à peu une préoccupation générale. L’influence que les antiquaires avaient exercée sur l’art passait aux historiens.

En somme, dans la philosophie et dans les lettres, tout le travail intellectuel se tournait vers l’histoire. L’art, en cherchant la vérité du fait, perdait sa spontanéité et donnait un caractère documentaire à ses fictions. Les tableaux de sainteté peints par l’école académique étaient purement païens ; les novateurs et les croyans sincères ne pouvaient s’en contenter. Ils étaient d’accord pour demander leur inspiration à des sources moins profanes. Les uns recouraient au moyen âge, d’autres à la Renaissance, suivant qu’ils estimaient que l’idée chrétienne avait trouvé à l’une ou à l’autre de ces époques son expression la plus parfaite. Le sentiment religieux prenait donc des formes déjà consacrées par le temps, il était historique à son tour. Pour Ingres, Raphaël était le divin maître. Le Vœu de Louis XIII est admirable ; mais c’est une œuvre d’art conçue et exécutée dans le style du XVIe siècle.

Très attaché à M. Ingres, dont il admirait profondément le talent, M. Alaux partageait ses idées. Cependant il n’avait pas encore montré dans quelle mesure il en était pénétré. La force et l’occasion lui manquaient pour manifester ses tendances. À ce moment, il peignait des tableaux d’histoire sur des sujets allégoriques. Mais il n’y mettait pas un accent assez énergique et personnel pour exciter de vives critiques ou des admirations passionnées. Il avait déjà beaucoup travaillé sans avoir pu se recueillir. En 1827, il avait terminé pour le Conseil d’état deux grandes toiles : la Justice amenant l’Abondance et l’Industrie sur la terre, et la Justice veillant sur le repos du monde, ouvrages agréables et faciles qui furent loués quand ils parurent, mais qui se laissaient confondre avec les productions d’autres artistes contemporains. De ces compositions, la seconde est particulièrement heureuse et le clair-obscur en est bien entendu. M. Alaux savait mettre à l’effet ; cette qualité a toujours été rare et plus que jamais elle mérite d’être appréciée par nous. Mais ces ouvrages, signalés par la presse du temps, ne donnent aucune idée de l’activité de l’artiste. En 1824, avec les deux tableaux qui commençaient sa réputation, il exposait un Christ au tombeau et une Scène de brigands. Puis, il avait été chargé de peindre, au Louvre, un plafond qui a pour sujet Poussin présenté à Louis XIII. L’exécution on est un peu molle, mais la ressemblance des personnages et les costumes y sont fidèlement rendus. Enfin pendant plusieurs années il fit des lithographies pour les