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exercices propres à développer, chez de jeunes artistes, des dispositions heureuses et à les fortifier. Ils consistaient d’abord en de simples études de nu : on en suivait sans distraction l’ordre méthodique. On y joignait des essais de composition et des copies d’après les maîtres. Après cette solide préparation, vers la fin de la pension et pour se résumer, on entreprenait une œuvre. La Mort d’Abel et surtout l’Orphée perdant Eurydice de Drölling, l’Amour et Psyché de Picot, le Marius sur les ruines de Carthage de Cogniet, le Niobide de Pradier, le Thésée terrassant le Minotaure de Ramey, ont eu leur jour et ont reçu, à l’époque où ils ont paru, le plus brillant accueil. Tel était alors l’ordre des études à l’Académie de France, et tel en était aussi le caractère. Mais si, pendant les premières années, les pensionnaires se soumettaient à une sorte de gymnastique un peu aride, ils essayaient d’en relever l’objet par une ambition constante. Ils voulaient, avant tout, apprendre à penser, à dessiner, à peindre. Les règlemens de l’Académie de France ne sont pas inspirés par un vain esprit de pédagogie : ils sont conçus de manière à seconder les vues que l’État a nécessairement sur les arts. L’État a son esthétique, intéressée si l’on veut, mais qui voit les choses de haut. Son intérêt est celui de sa propre histoire. Il a besoin, pour l’écrire, d’artistes formés par une forte éducation. Quel régime politique ne se montrerait soucieux de glorifier son principe et ses actes, d’enregistrer ses succès, de faire de lui-même une apologie écrite ou figurée ! L’art, par son côté le plus important, est historique et officiel. Mais pour cela il doit parler un certain langage et recourir à une initiation particulière. On ne saurait l’oublier : dans leur ensemble, les travaux demandés aux pensionnaires ont pour objet de les préparer aux grands emplois de l’art.

M. Alaux se soumit à cette règle ; il conçut cette ambition. Sans doute il ne prévoyait pas quelle sorte de travaux lui écherrait un jour. Mais ses études étaient sérieuses, et il en recueillit des fruits imprévus. Sa première figure fut un Cadmus tuant le dragon à la fontaine de Dircé. Il parut à ses juges que ce n’était pas un Cadmus, entendez-vous bien, ce n’était pas un Cadmus, mais seulement une jolie figure de jeune homme bien dessinée et peinte avec habileté. Telle était l’opinion de l’Académie des Beaux-Arts exprimée par son rapporteur, le sculpteur Dupaty, qui lui-même devait faire un Cadmus. J’ai souvenir de celui de M. Alaux : le personnage frappait de sa lance le monstre gardien de la source sacrée ; il s’enlevait sur un fond nuageux d’un gris ardoisé qui donnait au coloris des chairs une grande fraîcheur. Dans cet ouvrage, la nature avait été certainement plus consultée que l’antique. L’académie fit donc des réserves et renvoya l’auteur à Ovide, tout en lui donnant de