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enseignement ne portait point de fruit. Le professeur, quand il s’adressait à ses élèves, était trop occupé de lui-même.

Tels étaient, en dehors de David, les peintres autour de qui se pressait la jeunesse. Guérin, qui devait être un maître d’un libéralisme sans égal et voir se former sous son influence les talens les plus variés, les personnalités les plus brillantes, Guérin se contentait de seconder Vincent. Gros, avec une incroyable modestie, se refusait encore à recevoir des élèves, convaincu que son art n’était pas un grand art. Il y avait bien quelques petites écoles comme celle de Sérangéli. Mais l’atelier de David était le plus en vue, et, pour compléter le tableau que nous avons entrepris, nous devons aussi nous y arrêter un instant.

Delécluze nous l’a dépeint, tel qu’il était en 1795. Quel milieu curieux il présentait alors, avec son élite de brillans travailleurs et son gros bataillon de fruits secs, avec ses originaux et ses rêveurs qui s’épuisaient en vaines théories et en singularités ! En 1807, l’école de David avait encore un peu le caractère d’un monde à part. Les idées d’après lesquelles elle se guidait n’étaient plus celles de 1780, idées toutes romaines sur lesquelles s’était formé le jeune Drouais. Ce n’étaient pas davantage celles qui avaient inspiré David pendant la période révolutionnaire. C’étaient toujours celles de 1705 d’où était sorti le tableau des Sabines, mais poussées à l’excès. En réalité, l’effervescence qui avait signalé les manifestations diverses d’une doctrine toujours absolue était tombée. Ingres avait été le dernier grand élève du maître, et celui-ci n’avait plus le pouvoir d’exalter les vocations.

Au milieu de ces enseignemens en lutte, comme un terrain neutre et comme un champ clos, l’École spéciale de peinture et de sculpture ouvrait ses concours aux élèves de tous les ateliers. Mais là encore il y avait un foyer d’opposition. L’Académie royale avait été supprimée le 8 août 1793 ; mais, le 28 septembre suivant, l’école qui avait dépendu de l’Académie avait été rouverte comme une institution indépendante. Quelles personnes y donnaient des leçons ? On ne sait. Mais avant la fin de l’année d’après, des arrêtés à la date du 15 novembre et du 28 décembre y attachaient dix-huit professeurs, pour la plupart anciens académiciens. Le corps enseignant s’accrut successivement jusqu’en 1804 ; en 1801, on commença à y introduire des architectes.

Dans son principe, cette sorte d’organisation, qui devait être en 1818 l’École des Beaux-Arts, devança la création de l’Institut, et elle se fit en dehors de David. La nomination des artistes chargés d’enseigner à l’École et autorisés à cet effet par la commission exécutive de l’Instruction publique date, je l’ai dit, de la fin de 1794.