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de ses élèves devenus ses émules, résumer l’art de la révolution et de l’empire. Néanmoins, le jeune artiste n’essaya point de se faire admettre dans l’atelier du maître ; il entra chez le peintre Vincent. Lacour était condisciple de Vincent et l’avait en grande estime : il lui adressait ses élèves. Vincent est aujourd’hui à peu près oublié. Cependant il a tenu dans son temps une place importante, et l’école doit conserver son souvenir.

Fils d’un artiste genevois qui avait un certain talent pour la miniature, il avait été destiné à la banque ; mais après qu’il en eut essayé, sa vocation de peintre étant la plus forte, ses parens consentirent à ce qu’il entrât chez Vien. Il avait obtenu le prix de Rome en 1768, et presque aussitôt après son retour d’Italie, il avait été agréé par l’académie. On trouvait alors qu’il avait été des premiers à revenir aux bons principes du dessin et à étudier de près la nature.

L’école de Vien remplit toute la fin du XVIIIe siècle. Louis David a rompu avec elle ; mais à bien prendre, tous les artistes qui s’y sont formés sont restés fidèles aux enseignemens qu’ils y ont reçus : ils représentent, à proprement parler, l’école du règne de Louis XVI. Il faut convenir que tout ce qu’a produit cette époque est très inégalement apprécié. Les meubles, les bronzes, les porcelaines sont recherchés avec passion et atteignent à des prix énormes. Les édifices et les constructions privées de ce temps sont tenus en assez grande estime ; on ne conteste le talent ni de Louis, ni de Gabriel, ni d’Antoine. Les portraits d’alors sont aussi très recherchés pour leur finesse. Mais la grande peinture, la peinture d’histoire qui est contemporaine et qui a les mêmes qualités, est l’objet d’un invincible dédain. Quelle contradiction ! Cependant c’est bien le même art, le même retour aux anciens à travers les mœurs du temps. Déjà depuis longtemps Vien traitait à la grecque des sujets un peu vagues : jeunes filles offrant des colombes à Vénus, Amours jouant avec des cygnes et des fleurs. Vincent, Garnier, Lépicié, Ménageot, artistes habiles, venaient à sa suite. On sacrifiait à l’antique doucement, d’une manière un peu sèche, mais respectueuse et pure. Le goût mondain et aristocratique qui tempérait cette archéologie, la sauvait d’elle-même, et la peinture n’entrait pas dans le monde abstrait de la forme sculpturale. David a triomphé de cet art délicat et l’a mis dans un discrédit où il est encore ; il s’est comme effacé, avec l’ancienne académie et l’ancienne société. Mais son principe lui a survécu.

Quant à Vincent, on voit de lui un tableau au musée du Louvre ; il représente Zeuxis choisissant pour modèles les plus belles filles de la ville de Cortone. A mon sens, il fait grand honneur au peintre. Mais ce n’est pas seulement par cette toile qu’il doit être