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L’Allemagne fait d’ailleurs effort pour revenir à l’unité de l’enseignement secondaire. Dans le plan de 1882, l’enseignement des trois premières classes de l’école réelle correspond à celui des premières classes du gymnase classique, de manière à permettre le passage d’une école réelle à un gymnase pour ceux qui ont la capacité ou la volonté d’études plus sérieuses et plus longues. On finira ainsi par avoir deux embranchemens d’instruction secondaire qui ne différeront que par la présence ou l’absence du grec et par une proportion plus ou moins forte d’études scientifiques.

En Allemagne, — et aussi en Angleterre, — la pente vers le réalisme des realschulen est corrigée par l’habitude prise de fréquenter les universités : c’est là une tradition aristocratique, une tradition pour les classes qui se respectent, tout comme c’est une tradition bourgeoise chez nous de se faire recevoir bachelier. Après quoi, on estime en France que l’instruction est terminée, tandis que, pour les Allemands et les Anglais, c’est simplement l’entrée de l’instruction supérieure. Maintenez en France un baccalauréat utilitaire et réaliste, supprimez ce signe de ralliement pour les classes instruites de tout pays, les lettres latines, il n’y aura plus de raison chez nous pour faire des études vraiment classiques, désintéressées et foncièrement littéraires ; les sciences et leurs applications finiront par absorber tout, même les lettres françaises ; car, en ce qui concerne les universités, les Français sont rétifs à ce prolongement d’études. Vous ferez difficilement croire aux familles qu’il soit nécessaire d’envoyer les jeunes gens suivre un cours sur la querelle des investitures, ou un autre sur Ronsard et le XVIe siècle, ou un autre sur les origines de la littérature allemande, etc. Lancer les jeunes gens dans la vie d’étudiant pour acquérir toutes ces connaissances spéciales, c’est à quoi les parens ne consentiront pas : on a trop peu de confiance dans la sagesse des enfans français pour les abandonner « sur le pavé des grandes villes, » sans qu’ils y soient absolument forcés par des études de droit ou de médecine. Puis on se dit : — Autant vaut lire Ronsard lui-même, et les histoires littéraires, et les livres de critique littéraire, que d’aller entendre quelques beaux discours sur ce sujet, prononcés par un professeur devant un auditoire de passage. Qu’apprend-on dans les cours de ce genre qu’il eût été si difficile d’apprendre dans les livres ? Au reste, ajoute-t-on, le professeur publiera probablement son cours, s’il a découvert quelque chose d’intéressant ; je le lirai chez moi. — En Allemagne, les quatre cinquièmes des élèves des gymnases suivent les cours des universités, d’autant plus que les pasteurs protestans y vont apprendre la théologie ; on peut donc dire que l’enseignement secondaire et l’enseignement