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domaine des belles étoiles artistiques nous reste, mais ce domaine se rétrécit sans cesse sous la double influence de la mode et des crises économiques. Sur le champ de bataille de la fabrication à bon marché, nos fabricans et nos ouvriers luttent avec plus de vaillance et d’abnégation que de succès contre des nations jeunes, sobres, sans besoins, sans impôts, n’ayant point de vieux matériel à amortir et profitant dès la première heure de toutes nos inventions et de tous nos perfectionnemens. Nos tissages se défendent avec énergie, puisque, si leur production a diminué comme valeur, elle a légèrement grandi comme poids, mais c’est une lutte pénible qui devient de jour en jour plus difficile et dont les victoires sont précaires, parce qu’à l’horizon le flot des concurrens apparaît sans cesse grossissant.


IV. — CONCLUSION.

Ainsi de nos quatre industries de la soie, la sériciculture, la filature, le moulinage et le tissage, deux sont en décadence, deux sont encore pleines de vitalité, combattues de tous côtés, mais défendant leurs positions avec vaillance, au prix de sacrifices douloureux et de perfectionnemens incessans.

Des deux premières, une seule peut se relever promptement, la sériciculture ; elle retrouvera difficilement son ancienne prospérité, mais en replantant des mûriers pour avoir la feuille à meilleur compte et en augmentant le rendement en cocons par le choix de bonnes graines, elle doit encore obtenir un produit largement rémunérateur.

Le regretté M. Maillot, directeur de l’école séricicole de Montpellier, dont la compétence n’a été contestée par personne, a démontré cette vérité d’une manière indiscutable dans ses Leçons sur le ver à soie. Économiquement établie, la culture d’une once de graines ne doit pas dépasser 80 francs, salaires payés : or la recette arrive aisément au double de cette somme si les graines sont bien choisies, car l’once doit rendre facilement 40 kilogrammes de cocons à 4 francs, soit 160 francs. Le cocon ne se vend pas toujours 4 francs, mais le rendement de 40 kilogrammes n’est pas un maximum.

Si la sériciculture était une industrie organisée vigoureusement, si elle constituait l’unique ressource d’une population nombreuse, elle se serait plus vaillamment défendue, elle aurait réalisé les perfectionnemens à l’aide desquels les Italiens ont maintenu leur élevage florissant. Mais nos cultivateurs de la Drôme, de l’Ardèche, du Gard, de Vaucluse, ne donnent à la sériciculture qu’une quarantaine de journées par an, ils abandonnent ce travail à leurs