Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

législation et d’organisation napoléonienne, esquissée par la Convention et les Cinq-Cents… Si c’est pour le bien ou le mal de la nation, l’avenir le dira… » Code civil, concordat, université, justice, administration, Bonaparte a créé ces organes de la vie publique et de l’État moderne, et la fragilité de ses créations politiques n’a eu d’égale que la durée de ses créations législatives.

Sur ce despotisme administratif, sur cette tutelle qui exclut le self-government, nous avons essayé de greffer les institutions parlementaires importées d’Angleterre, le gouvernement des majorités, qui peut dégénérer aisément en oppression quand le pays n’est pas divisé en deux fractions à peu près égales qui se succèdent au pouvoir. Libertés dites parlementaires en haut, despotisme administratif en bas. C’est pourtant cette tutelle et cette routine de l’organisation napoléonienne qui permet à la machine de fonctionner, sans trop d’interruption, à travers les changemens de régime et le désordre des assemblées. En même temps, les vertus de certaines classes « fournissent l’huile. » Non moins que les institutions, ce sont les classes qu’il faut observer, si l’on veut connaître la France nouvelle.

M. Hamerton a fort bien étudié l’aristocratie française, non à Paris, où l’on ne s’occupe guère de vos ancêtres, si vous possédez d’ailleurs esprit, talent, richesse, mais en province, où l’on attache plus de prix aux distinctions sociales. Il croyait, au début, que la noblesse n’avait pas d’importance en France ; des personnes mêmes appartenant à cette classe, et qui songeaient à son ancien rôle, le lui avaient dit. Il est revenu bien vite de cette impression première. En France, écrit-il, il y a une aristocratie, au sens propre du mot, comme en Allemagne et en Espagne, tandis qu’en Angleterre il n’y a qu’un peerage, qui jouit assurément d’un très grand prestige, mais qui n’est héréditaire que pour le fils aîné, et dont la plupart des descendans deviennent des commoners. En dépit de tout ce qu’on a écrit sur l’esprit de caste en Angleterre et l’esprit d’égalité en France, le préjugé féodal est plus fort dans le département français que dans la province anglaise. Il n’y avait pas dans le Lancashire, lorsque M. Hamerton y vivait, hostilité amère entre les classes. Des quatre grandes maisons aristocratiques du pays, deux étaient libérales et deux conservatrices. En France, la particule de sépare la province en deux camps, et rien ne prouve mieux sa valeur[1] que la façon dont les Français l’usurpent ; dans un voisinage assez restreint, on ne citait pas à M.

  1. Le de n’a pas seulement une valeur d’amour-propre, il a aussi une valeur réelle. M. Hamerton estime qu’il équivaut à une dot d’une centaine de mille francs chez celui qui le possède à juste titre ou autrement, lorsqu’il cherche à se marier.