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déchaîner de nouveau ; elle semble toucher aujourd’hui à une période de recrudescence.

D’une extrémité à l’autre du continent, de l’Amérique centrale au Chili ou aux bords de la Plata, ce ne sont que guerres, révolutions ou insurrections. Le Brésil a commencé le mouvement en renversant un empire qui n’avait été jusque-là que bienfaisant, dont le chef était un philosophe et un philanthrope sur le trône ; il a fait sa révolution qui n’est encore que la dictature sous le nom de république, dont le dernier mot jusqu’ici est une constitution autocratiquement promulguée. Depuis quelque temps déjà, la guerre civile sévit dans l’Amérique centrale, entre les cinq petites républiques : Guatemala, Salvador, Honduras, Costa-Rica, Nicaragua, qui forment la zone intermédiaire entre le nord et le sud du nouveau continent. C’est l’éternelle histoire depuis l’émancipation. Quand ces cinq républiques sont séparées, elles ne songent qu’à se rejoindre, à former une confédération de l’Amérique centrale ; quand elles sont confédérées, elles n’ont rien de plus pressé que de se diviser, de se combattre pour se dominer mutuellement, de se déchirer. C’est le fond de tout, c’est le secret de ces petites et obscures agitations intestines. La dernière tentative de confédération ou de concentration centro-américaine a été faite, il y a quelques années déjà, par le général Barrios, qui est mort sans avoir réussi. Aujourd’hui, ces malheureuses républiques en sont plus que jamais aux déchiremens, aux rivalités d’ambition entre généraux, à toutes les convulsions de la guerre civile. Le chef le plus en vue pour le moment paraît être le général Ezeta, qui, à la mort du dernier président, mort, dit-on, empoisonné, a pris le pouvoir dans le Salvador, qui est à peu près en guerre avec Guatemala et n’est pas lui-même sans avoir des rivaux parmi les autres chefs militaires de son pays. À en croire les bulletins, il y aurait eu, depuis quelque temps, des batailles meurtrières entre des armées qui ne se composent guère que d’Indiens et ne dépassent pas, après tout, quelque 2,000 hommes ; la ville de Salvador aurait même été récemment le théâtre d’une lutte sanglante entre Ezeta et un de ses lieutenans révolté contre lui, le général Rivas, qui aurait été pris et proprement fusillé. Tant que l’anarchie reste un fait local dans ces républiques centro-américaines, le danger n’est pas nouveau et n’est peut-être pas bien grand ; il n’y aurait quelque complication possible que si le Mexique, sous prétexte de voisinage et d’anciens antagonismes, se laissait entraîner à une intervention armée qui changerait ou aggraverait la situation et appellerait sûrement l’attention toujours en éveil des États-Unis.

Tandis que l’Amérique centrale se débat dans ces obscures agitations, cependant, à l’autre extrémité du continent américain, le Chili lui-même, qui a été si longtemps une république modèle, n’a pas