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malheureux accident que les hommes de science seuls peuvent étudier avec fruit ?

C’est le dernier mot d’une session qui n’a été, à dire vrai, pour ce début d’une législature nouvelle, qu’une longue série d’incidens médiocres, de manèges de parti, de tâtonnemens et d’efforts stériles. Le mal est en partie sans doute dans la chambre elle-même, dans ces passions dont elle ne sait pas se défendre et dans son inexpérience, dans l’abus perpétuel qu’elle fait de ses droits et de son pouvoir : mais ce qui a manqué aussi certainement, c’est la direction, c’est l’esprit de suite, c’est l’autorité active et vigilante du gouvernement. M. le président du conseil, en formant le ministère qui existe encore aujourd’hui, avait, à la vérité, mis dans son programme la promesse d’avoir une politique, d’éclairer, de guider cette chambre nouvelle dans ses travaux. Il a fait, en définitive, comme les autres, ou plutôt il a laissé faire, tantôt essayant d’attirer les instincts conservateurs par des apparences de modération, tantôt se hâtant de désarmer les radicaux par ses concessions et, en fin de compte, évitant de se compromettre par la manifestation résolue d’une volonté. Dans toutes ces affaires de commerce, de tarifs, qui sont si vivement engagées, qui touchent aux relations mêmes de la France, qui ont provoqué une sorte de déchaînement des intérêts locaux, le ministère a trouvé plus commode de suivre le courant, au risque de livrer au hasard notre politique commerciale. Dans cette récente affaire des contributions, M. le ministre des finances a passé par toutes les fluctuations et a dévoré tous les échecs, pour finir par prendre une assez médiocre revanche aux dépens du Sénat. Au dernier jour, lorsque les radicaux les plus extrêmes ont eu l’étrange idée de réclamer une commission d’enquête parlementaire au sujet du malheureux accident de Saint-Etienne, qu’a fait M. le ministre des travaux publics ? Il a laissé voter tout ce qu’on a voulu, défendant à peine les droits du pouvoir qu’il représente ; il a livré son administration à un petit comité radical. Ce qui reste d’esprit de gouvernement semble s’être réfugié chez M. le ministre de l’intérieur, qui, avec sa rouerie sceptique, met son art à manœuvrer entre les partis, à se faire sa politique personnelle et à laisser ses collègues se débrouiller. Ce n’est peut-être pas assez !

Qu’en résulte-t-il ? C’est qu’avec tout cela on vit encore sans doute, on passe une session ; on n’a ni l’autorité sérieuse dans le gouvernement, ni la saine et utile activité parlementaire, et le pays, fatigué, déçu, assiste, comme à un spectacle banal, à une représentation où les intérêts de sa puissance sont pourtant engagés.

Ce ne sont pas sûrement les questions qui manquent désormais et pour longtemps en Europe ; questions politiques ou sociales, questions économiques, questions du travail, de l’industrie ou du commerce des nations. Quelles qu’elles soient dans leur diversité, elles sont subor-