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Michelet, cette belle route, ce demi-cercle enchanteur que fait la Méditerranée, quand on a dépassé Gênes et la magnifique rade de la Spezzia et qu’on s’enfonce sous les oliviers de la Toscane. A mi-chemin de Livourne, une côte conquise sur la mer offre le petit port solitaire qui consacre désormais cette charmante fondation. »

Ce premier jalon planté sur sa route, Barellaï se remit en campagne, et, pendant trente ans, ce courageux pionnier n’a pas cessé de parcourir l’Italie, multipliant partout les conférences et les entretiens particuliers ; animé, pour son œuvre, de la foi qui soulève les montagnes et voyant surgir derrière lui, comme par enchantement, les établissemens dont il recommandait la fondation. Plus heureux que la plupart des hommes de progrès, Barellaï a pu voir avant sa mort son œuvre accomplie[1]. Plus de vingt hôpitaux marins s’élèvent aujourd’hui sur les côtes d’Italie[2]. En vingt-trois ans, cinquante-deux mille enfans y ont été admis, et la plupart d’entre eux y ont trouvé la guérison.

La France a mis plus de temps que l’Italie à entrer dans la voie que l’Angleterre leur avait montrée, et ce n’est pas à l’impulsion scientifique ou médicale qu’elle a obéi. C’est en vain que le docteur Sarraméa, de Bordeaux, avait devancé Barellaï et proposé, en 1850, au gouvernement de fonder, sur les bords du bassin d’Arcachon, une colonie maritime et agricole destinée aux jeunes détenus lymphatiques, scrofuleux ou tuberculeux ; sa généreuse pensée n’avait trouvé aucun appui et s’était éteinte sans retentissement. Il a fallu, pour la réaliser, la charité ingénieuse de quelques femmes de bien et leur initiative persévérante.

La première en date fut une protestante, Coraly Hinsch. En 1832, elle habitait Cette et se consacrait tout entière à ses pauvres coreligionnaires, aux indigens de l’église évangélique qui venaient là prendre des bains de mer. Frappée du nombre considérable de scrofuleux qui se trouvaient parmi eux et des effets inespérés que produisait sur eux le traitement marin, elle entreprit d’en étendre les bienfaits à un plus grand nombre d’enfans et parvint à faire partager son ardeur à son entourage. Il lui fallut quinze ans d’efforts pour se procurer les fonds nécessaires à la fondation d’un petit hôpital de vingt-quatre lits qui fut construit en 1847. Les comités de l’Hérault lui vinrent en aide ; ils continuèrent son œuvre et, de 1847 à 1878, neuf mille personnes des deux sexes furent soignées dans le sanatorium qu’elle avait créé.

Il existe maintenant, à Cette, trois établissemens recevant des (1)

  1. Giuseppe Barellaï est mort en 1881, à l’âge de soixante-quatorze ans.
  2. Vareggio, Livourne, Voltri, Sestri-Levante, Porto d’Anzio, Rimini, Lido, Nervi, Celle, Bocca d’Arno, Fano, Riccione, Porto-San-Stefano, San-Benedetto del Tronto, Cecina, Barletta, Pesaro, San-Cesaria, Naples, Palerme et Cagliari.